Je veux vous parler d’Hergi. Cet enfant de 8 ans est maltraité par les membres de sa famille paternelle. Nous habitons dans le même quartier dans la commune de Kasa-Vubu. Je suis Likolo Giovanni. J’ai 14 ans et je suis contributeur du blog Pona Bana.
L’enfant, je vais l’appeler l’enfant Hergi pour préserver son identité. En fait, cet enfant de 8 ans est accusé d’être sorcier.
Sa famille paternelle a répandu cette information dans le quartier. Et partout où l’enfant passe, on parle de lui. Parfois, avant même qu’il n’arrive dans un endroit, on le connaît déjà. C’est un vrai record de connaissance dans le quartier.
Hergi arrive dans notre quartier quelque temps après la mort de sa maman. Il doit habiter avec son père. Comme il n’est jamais là, son père a demandé qu’on dépose l’enfant dans sa famille. Le père était convaincu que ses frères allaient bien prendre soin de son fils. Malheureusement, il s’est trompé.
Quand l’enfant arrive, ses oncles et tantes paternels commencent à le maltraiter. Ils l’appellent « enfant sorcier ». Pourquoi ? On ne sait pas. Dans le quartier, l’enfant est rapidement est connu sous ce nom. La famille de son père l’accuse d’avoir tué sa mère. Hergi en souffre énormément, mais il ne sait pas comment en parler.
Au début, même moi, je l’appelle « enfant sorcier ». En fait, je croyais qu’il l’est. Et les adultes autour de nous nous encourageaient dans ce sens.
À force de le voir de loin, un jour, je l’approche. On se salue et on commence à jouer ensemble. Comme il est qualifié de sorcier, je ne dis à personne que je joue avec Hergi. Je ne le dis même pas à ma mère. Je garde bien le secret de mon amitié avec cet enfant. C’est comme « le secret africain » dans l’une des chansons du groupe Magic System.
Petit à petit, Hergi et moi sommes devenus amis. Et un jour, je lui ai demandé comment était la vie dans sa nouvelle famille.
Je pense à m’enfuir
L’enfant ne se sent pas à l’aise à la maison. « Je pense à m’enfuir », me confie le garçon. Ce sont ses mots. Il me dit qu’il va m’en parler la prochaine fois.
Le lendemain, en milieu de journée, Hergi m’attend près de la maison. Je rentre de l’école et je le vois. Il commence par me demander à manger. Je suis un peu sur mes gardes. On ne doit pas me voir avec cet enfant. Je lui promets de ressortir après avoir pris un peu d’argent à la maison. Il n’insiste pas.
Plus tard, je me vais sur notre terrain de jeu. J’achète une chikwangue et des brochettes en chemin. L’argent vient de mes économies. Je suis choqué en regardant Hergi manger. Il mange précipitamment. Il avait vraiment faim. Hergi mange comme s’il avait passé plusieurs jours sans manger. Je n’en parle pas pour ne pas le gêner.
Mais quand on se revoit, je lui pose la question : « comment se passe la vie dans ta famille ? ».
L’enfant dont personne ne veut
En fait, Hergi m’explique que s’il doit vivre dans la famille de son père, c’est parce que celle de sa mère ne voulait pas de lui.
« Ils disaient que la seule personne capable d’arrêter sa vie pour s’occuper de moi, était morte. Mais qu’elle ne m’avait pas fait seul. On m’a donc envoyé chez mon père », me dit-il les yeux baissés.
Malheureusement, son père ne vit plus à Kinshasa. Et sa famille ne veut pas de l’enfant. Si Hegi peut rester, c’est seulement parce que son père le reconnaît et que c’est lui qui soutient financièrement la famille.
L’enfant y a une vie misérable. Il est battu, maltraité et privé de nourriture. Au début, il ne voulait pas en parler. Mais comme il n’en pouvait plus, il a essayé d’en parler à son père. Malheureusement, son père ne l’a pas cru.
« Il l’a raconté à ma grand-mère qui l’a rapporté à mes tantes. Maintenant, je souffre deux fois plus », me confie l’enfant. Je ne comprends pas comment il fait pour rester fort. À sa place, je pense que j’aurais pleuré. Hergi me raconte aussi qu’il doit parfois aller mendier pour manger. J’ai mal pour lui. Je promets de l’aider. De temps en temps, je lui offre de la nourriture.
Les enfants aussi sont des humains
En fait, je crois que certains parents pensent que les enfants n’ont pas de sentiments. Alors qu’en fait, ils sont humains. Ils ressentent e la douleur et parfois, ils pleurent.
Je pense que ne pas être le « vrai » parent d’un enfant n’est pas une raison pour le maltraiter. Et le cas de Hergi me fait très mal. Peu importe combien il souffre, personne n’interviendra pour améliorer sa situation. Il est abandonné à lui-même et ne sait pas à quel adulte parler de sa situation. Un adulte qui peut le protéger contre les mauvais traitements dans sa famille paternelle.
Un enfant qui n’a rien demandé est maltraité devant tout le monde, sans que personne ne dise un mot pour le défendre. C’est injuste.
Encadreur : Guy Muzongo