Durant près de trois mois, la Province de l’Equateur était confrontée à une épidémie d’Ebola qui a fait 54 victimes, dont 33 décès et 21 survivants. Pour lutter contre cette épidémie, le Gouvernement avait déclaré la gratuité des soins dans toutes les zones touchées. L’épidémie a beaucoup ralenti les activités dans la province, privant de revenus de nombreuses personnes. La barrière financière ne peut en aucun cas constituer un frein à l’accès aux soins de santé et la gratuité des soins est donc apparue comme une très bonne chose.
Mais à Bikoro, zone de santé située à une centaine de kilomètres de Mbandaka, la gratuité des soins a eu des répercussions inattendues. Depuis que les soins sont gratuits, il faut des heures pour être reçu par un des médecins à l’Hôpital Général de Référence. On peut arriver à 8 heures du matin avec un enfant gravement malade mais il ne sera pas soigné avant l’après-midi, quelle que soit la gravité de son cas.
En discutant avec les prestataires de santé, j’ai appris qu’ils ne reçoivent plus de ‘motivation’ depuis que les soins de santé ont été déclarés gratuits. Cette motivation leur était versée directement par l’hôpital grâce aux frais que payaient les patients lors des consultations ou des soins. Surchargés et privés d’une partie de leurs revenus, les prestataires ne sont plus motivés pour travailler. Ils laissent les patients attendre pendant des heures avant de les prendre en charge. A Bikoro, la population, et surtout les enfants, souffrent de ces pratiques et sont pris en otage.
Lorsqu’on passe à l’Hôpital Général de Référence de Bikoro, on voit que les patients restent assis sur leur chaise pendant des heures, sans être reçus. Il y a quelques semaines, un Enfant Reporter m’a raconté qu’il avait été malade et qu’il a dû attendre toute la journée pour être pris en charge. Par négligence, des enfants peuvent mourir sans recevoir de soins.
Plus grave encore, alors que les structures sanitaires ont été approvisionnées en médicaments par le Gouvernement et ses partenaires, la population manque de médicaments. Alors qu’ils devraient être disponibles et gratuits, les prestataires de santé déclarent ne pas en avoir.
Gratuite des soins et accès aux services médicaux
Nous, les Enfants Reporters de Bikoro, nous dénonçons ces pratiques qui violent la Convention relative aux droits de l’Enfant (CDE). L’article 24 de CDE stipule pourtant que chaque enfant a le droit d’être en bonne santé et de le rester. Aucun enfant ne peut être privé du droit d’accéder à des services médiaux.
Il faut que les autorités veillent à ce que les mesures qui soient mises en place ne nuisent pas aux populations déjà vulnérables. Mettre en place la gratuité des soins de santé jusqu’au mois de décembre est une bonne chose, mais il est nécessaire qu’un suivi soit fait pour assurer que cela bénéficie effectivement à la population.
Si les enfants de Bikoro ne peuvent plus accéder aux soins de santé, comment peuvent-ils être en bonne santé, s’épanouir et préparer leur avenir ? L’Etat doit faire tout son possible pour assurer que chaque enfant à Bikoro, en Equateur et en RDC bénéficie de l’ensemble de ses droits.
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Article écrit par Philomène en septembre 2018