E. D. Ariane, 15 ans, est enfant reporter à Kinshasa.

Mon amie ne veut pas entendre parler du mariage. Je ne comprends pas pourquoi. Mais quand elle me parle, je n’arrive pas à bien la comprendre. « Tu crois qu’être une femme, c’est toujours être battue ? Parce que si c’est ça, alors je ne veux pas me marier », me dit mon amie.

 

En fait, cette fille fait allusion à la vie de ses parents. J’ai mieux compris après de quoi elle parle. Un jour, lorsque je suis venue la voir, je découvre que son père bat sa mère, devant l’enfant. J’ai même assisté à la scène. Comme j’avais vu ce qui se passait, elle a pu m’en parler librement. Et me dire ce qu’elle ressent.

 

Je m’appelle Ariane, j’ai 15 ans et je suis enfant reporter de Kinshasa. J’habite dans la commune de Kasa-Vubu. Et dans mon quartier, il y a une fille dont je suis proche. Elle est souriante et est toujours pleine de vie. Elle est joyeuse et respire le bonheur.

 

Un jour, j’ai remarqué que la fille a changé de comportement. Elle ne sourit plus et elle passe beaucoup de temps seule. Quand on joue ensemble avec d’autres enfants dans le quartier, on a parfois l’impression que la fille est ailleurs. La joie et le bonheur qu’elle dégageait ont disparu. Je ne comprends pas pourquoi la fille devient malheureuse.

 

Je parle à mon amie pour savoir ce qui ne va pas. Elle ne veut rien me dire. Je n’arrive pas à comprendre ce qui lui arrive et je passe plus de temps avec elle. Mon amie commence à m’éviter. Mais on continue à jouer ensemble.

 

J’ai vu le père de mon amie frapper sa femme

 

Un jour, après être revenue des cours, je décide d’aller rendre visite à ma copine. Je passe sans prévenir. Et je vois mon amie en pleure. Sa mère est couchée au sol, à côté de sa fille. Elle est battue par son mari. Le père frappe tellement sa femme que l’enfant assiste, impuissante et pleure.

Au début, mon amie ne me voit pas. Donc j’ai le temps d’assister à quelques minutes de cette scène violente. Choquée, je décide de partir. C’est à ce moment que mon amie me voit. On court dans deux sens différents. Elle entre dans leur maison. Je sens qu’elle a honte. Moi, je cours hors de leur parcelle. Je ne l’ai plus revue pendant quelques jours.

 

Comment protéger les enfants?

Quand on se revoit, je commence la conversation pour briser la distance qui s’est installée entre nous. Elle m’explique que c’est à cause de la situation de ses parents qu’elle est tout le temps triste. C’est aussi pour cela qu’elle n’arrive plus à jouer avec nous. La fille ne supporte plus le fait que sa mère soit battue par son père. Mais elle ne veut pas les voir séparés, non plus. Alors, impuissante face à la situation, elle est triste et pleure. Elle ne comprend pas comment les deux personnes qu’elle aime le plus au monde ne s’entendent plus. Elle me le raconte en pleurant. Je suis triste pour elle.

 

Je ne souhaite pas devoir vivre cette situation et je prie pour que tout aille pour le mieux entre les parents de mon amie. En fait, je souhaite qu’ils ne puissent plus se battre devant leur fille. Ce que je veux le plus est que mon amie retrouve le sourire.

 

En attendant, j’essaie de lui parler autant que possible. Je l’aide à sourire lorsqu’elle n’est pas à la maison. Mais je sais que c’est difficile pour elle de vivre en entendant les cris de sa mère battue. Je compatis. Je me demande ce qu’il faut faire pour protéger un enfant qui vit dans un tel environnement. Est-ce qu’un enfant peut aller dénoncer les violences conjugales dont sa mère est victime? Elle ne risque de devenir elle aussi la prochaine victime si les parents arrangent leurs situations?

 

Encadreur : Guy Muzongo