« Mon père est mort. Et mon cœur est mort avec lui ». C’est ce que me dit Maria. Elle pleure quand elle me raconte son histoire. « C’est très difficile de perdre son père. On ne s’en remet jamais », renifle-t-elle.

 

Je m’appelle Lucia Nzola, élève du lycée Tobongisa. J’ai 13 ans et je suis enfant reporter de la ville province de Kinshasa.

Je vous parle de l’histoire de Maria. Elle est finaliste et prépare les examens d’Etat. La dissertation, épreuve préliminaire, est prévue dans quelques jours. Avant cet examen, son père décède. La fille s’effondre.

 

Maria habite dans la commune de Ngaliema à Kinshasa. Elle est brillante. Nous étudions dans le même lycée. Avant la mort de son père, Maria était une fille joyeuse et heureuse. Elle stressait un peu pour les examens d’Etat. C’est vrai. Son stress n’est pas le fait qu’elle avait peur d’échouer. Mais, étant une élève brillante, elle veut être parmi les meilleurs et faire des bons points.

 

 

Le poids de la fille ainée

 

Maria veut être un modèle pour ses quatre petits frères. « Une aînée doit d’être exemplaire », ne cessait de lui répéter son père. Très souvent, il l’aidait à produire des belles dissertations. Il était professeur de français. Maria aimait bien leur complicité. Pendant qu’elle me raconte son histoire, elle réalise qu’elle parle de son père au passé. Les larmes coulent sur ses joues. Elle craque et décide de faire une petite pause, pour se reprendre.

 

Maria revient plus détendue. Prête à continuer. Alors, le tout commence un dimanche. Il est tard. 23 h. Son père rentre à la maison. Il était chez sa « seconde femme ». Sur le chemin du retour, il croise des bandits. Il est attaqué et frappé à mort. Agonisant, le père de Maria appelle à l’aide. Les gens arrivent et les bandits sont déjà partis.

 

Le père est inconscient et étendu par terre. Il est rapidement conduit à l’hôpital. Le temps d’arriver, il est déjà mort.

Le moment le plus difficile arrive. Comment annoncer la nouvelle à sa famille ? La suite de l’histoire est difficile à entendre et j’ai mal pour Maria. Des larmes remontent dans mes yeux. Je peine à les contrôler. Si je laisse mes larmes couler, Maria va se remettre à pleurer. Elle souffle entre deux phrases pour gérer ses émotions. C’est dur, mais elle veut continuer à me parler.

 

« C’est maman qui apprend la nouvelle en premier », me dit-elle. Elle n’y croit pas au début. « Ces gens se sont forcément trompés. Mon mari est vivant. Je ne crois pas qu’il est mort », insiste sa mère, visiblement dans le déni.

 

Rendre fier son père

 

Et lorsqu’on lui montre la photo de la victime, c’est son mari. Il n’y a plus de doute. C’est mon père, son mari. Il est mort sous les coups des bandits. Ma mère crie tellement fort qu’elle réveille toute la maison. Maria est tirée brusquement de son sommeil. Elle sursaute et apprend que son père est mort.

 

Maria pleure. Elle ne sait pas tenir sur ses jambes et n’a plus la force de faire quoi que ce soit. Elle ne veut plus faire ses examens, ni sortir de la maison. Son cœur est mort avec son père. Une partie d’elle s’en va ainsi avec son papa chéri. Sa mère et ses oncles l’ont convaincu de se présenter pour ses examens malgré la douleur. « Papa aurait voulu que je réussisse mes examens », se dit-elle. Mais elle n’a pas la force de poursuivre avec les études. Elle se fait finalement une raison et se réfugie dans la lecture pour tromper sa douleur. Elle passe ses épreuves.

Sa douleur est toujours là, cette douleur. Maria gardera pour toujours le souvenir de son père. Un père ne s’oublie jamais. Il faut avancer. Le temps que la douleur puisse s’atténuer. Les examens sont là. Il faut se préparer pour la suite et réussir pour rendre fier ce papa, qui se trouve désormais dans l’eau delà.