Je m’appelle Ansima Biringanine Marie Ange. Je suis enfant reporter et élève à l’Institut Technique Commercial de Bukavu en 5e année des humanités section commerciale de gestion. J’ai 17 ans. Cela fait déjà plus de 5 ans que j’étudie dans cette école qui se trouve dans la commune de Kadutu/Quartier Cimpunda dans la province du Sud-Kivu.
Depuis 5 ans que je suis là, je n’ai jamais vu de l’eau couler des robinets. Cela reste un mystère pour moi jusqu’à présent. Selon certains de mes enseignants, c’est depuis plus de 10 ans, mon école est dans cette situation. Certains dirigeants de mon école ne se sentent pas concernés et d’autres manquent de choix.
D’autres disent qu’ils sont déjà habitués à ce rythme. J’étais affecté par cette situation depuis un long moment sans vraiment y prêter attention. Maintenant, je me réveille de mon sommeil. Avec la saison sèche, la situation est de plus en plus difficile dans mon école.
Étudier dans un environnement sans eau est un grand problème
Lorsque j’ai envie de boire de l’eau à l’école, c’est juste impossible, parce qu’il n’y a pas d’eau. Je n’exagère pas si je vous dis que mon école est presque comme un désert. Les robinets sont à sec. J’ai perdu espoir de voir un jour de l’eau couler. En cinq, je n’ai vu aucune goutte d’eau.
Je suis obligé d’amener chaque jour une quantité suffisante d’eau à l’école dans ma gourde. Et quand j’oublie ma gourde d’eau à la maison, c’est juste invivable de passer toute une journée sans boire. Dans ces situations, je suis souvent nerveuse. Mon école est à près de deux kilomètres de chez moi.
Nous sommes tous connectés au réseau de distribution de la Regideso (société nationale en charge de fournir l’eau). À la maison, j’ai de l’eau. Mais dans mon école, l’eau avait été coupée à cause du non-paiement des factures. Comment comprendre qu’en près de 10 ans, rien n’est fait pour que l’eau revienne dans mon école qui reçoit autant d’élèves ?
Selon notre préfet, plusieurs accords ont été conclus avec la Regideso mais rien n’aboutit à une solution concrète. Pourtant, la direction continue de mettre pression pour que l’eau revienne.
Un environnement malsain
Comme l’eau manque dans mon école, il est difficile d’entretenir les salles de classe. Du coup, les salles sont trop sales. Elles sont dans un état très critique.
Souvent, nous faisons même un mois sans nettoyer les salles de classe parce qu’on manque d’eau.
La poussière, les morceaux de papier et autres déchets traînent par terre. Avec la poussière, nous sommes exposés à certaines maladies, notamment la toux.
Nous faisons semblant de nous habituer à cette situation, en réalité nous souffrons.
Pour nettoyer certaines salles, chaque élève est obligé de ramener au moins 5 litres d’eau chaque samedi. C’est l’astuce que le préfet avait trouvée pour qu’on puisse, dans la mesure du possible, rendre notre établissement propre. Bonne idée. Et pourtant, certains élèves n’ont pas d’eau en permanence dans leurs quartiers. Pour trouver de l’eau, ils parcourent des kilomètres. En fait, certains parmi ces élèves ne ramènent pas d’eau à l’école.
C’est le cas de ma collègue Jasmine par exemple. Depuis que le préfet avait pris cette décision, ma collègue n’a jamais ramené de l’eau. Elle a dit que l’eau ne coule pas dans son quartier.
À cause des difficultés de trouver l’eau dans plusieurs quartiers de la ville de Bukavu, les élèves ont fini par boycotter la mesure du préfet.
Les principes d’hygiène ignorés, les maladies nous guettent
À cause du manque d’eau dans mon école, même les règles élémentaires d’hygiène ne sont pas respectées. Disons que les règles d’hygiène sont oubliées. Régulièrement les élèves souffrent de la grippe.
Quand un élève commence avec la grippe, cela se propage rapidement dans toute la classe et beaucoup d’élèves dans l’école sont touchés. Quand on fait un tour dans nos toilettes, elles sont dans un très mauvais état. Du coup, lorsqu’on les utilise, cela nous expose encore à d’autres maladies et infections.
Les filles sont les plus exposées aux multiples risques d’infections.
L’année passée, j’ai eu des infections urinaires. Beaucoup d’autres filles comme moi en souffrent dans mon école.
Depuis ce temps, je préfère passer toute la journée sans aller aux toilettes par peur de contracter d’autres infections. D’autres élèves continuent d’avoir des infections. Visiblement, cela ne change rien à la situation de l’école.
Quand j’ai tellement envie d’aller aux toilettes, je fais tout pour faire disparaître cette envie en l’ignorant. Mais de fois ça me dépasse et je cède pour aller dans ces toilettes sales. J’aime mon école parce qu’elle est située non loin de chez moi. Et j’aimerais bien y décrocher mon diplôme d’État. Mais, le manque d’eau rend la vie difficile dans cette école. Je recommande au responsable de la Regideso de penser à nous. Qu’ils puissent faire du mieux qu’ils peuvent pour que l’eau revienne dans mon établissement et d’autres établissements de la ville de Bukavu qui n’ont pas d’eau. Il faut que les responsables de la Regideso travaillent pour fournir de l’eau dans la ville de Bukavu. Parce que même dans les maisons, le manque d’eau affecte la vie des élèves.
Il faut que la Regideso travaille à nous fournir de l’eau potable. Aux autorités de mon école, je leur demande de payer les factures de l’école. Mais, en attendant que la Regideso puisse réhabiliter la fourniture d’eau, que les responsables de mon école puissent trouver des récipients pour stocker l’eau dans l’école.