Choisie Nseka est jeune encadreur des Enfants Reporter à Kinshasa. Elle a participé à plusieurs activités de plaidoyer en faveur de la protection, de l’éducation et de la participation des enfants. Aujourd'hui elle est parmi les jeunes encadreuses des jeunes.

 

Je me nomme Choisie Nseka. Je me suis demandé s’il est dangereux d’être jeune à Kinshasa après une scène que j’ai vécu.

 

Avant de parler de ce qui m’est arrivé, j’ai appris qu’une fille de 15 ans, élève de l’institut Tyranus à Selembao a été tuée. Alors qu’elle échappait à des policiers, elle a reçu une balle. Elle est morte sur place. Rien n’est fait. Personne ne fait rien et ça s’arrête là.

Alors, moi, je revenais de l’université vers 19 h. Comme d’habitude, j’ai pris un raccourci pour arriver plus vite chez moi. Le raccourci se trouve au niveau d’une boulangerie sur l’avenue Kimpese.

 

Je ne suis pas kuluna

 

J’avançais et un ami qui n’habite pas loin de là propose de m’accompagner. Mon ami sait apparemment que dans ce quartier, les policiers arrêtent souvent les jeunes après 19 h. Nous avons fait à peine quelques pas et on a entendu un jeune homme crier derrière nous, « je ne suis pas kuluna, j’habite par ici ». Et là, on se rend compte qu’il vient d’être interpellé par des policiers. On ne doit pas attendre notre tour. Mon ami me dit qu’il faut courir aussi vite. J’avais le poids de deux sacs sur mes épaules. Mes objets de valeur sont dedans et je ne sais pas courir aussi vite avec ce poids.

 

En courant, on a entendu des coups de feu derrière. Les policiers nous pourchassent. Je cours de toutes mes forces, mais je ne suis pas assez rapide. Un policier me rattrape et attrape mon bras. J’ai tellement peur. Mon ami vient à mon secours et donne un coup-de-poing au policier. J’arrive à m’échapper. Le garçon est arrêté. Il n’a pas eu la même chance que moi.

 

Lorsque j’arrive à la maison, j’ai tellement mal au bas-ventre. Et je traîne la douleur pendant toute une semaine. Entre temps, mon ami est passé à la maison pour se rassurer de comment j’allais. Alors, il me raconte qu’après moi, il a été conduit au poste de police et dépouillé de tout ce qu’il avait. Il est libéré le jour d’après et sa famille a payé une amende de 50.000 FC.

 

Mission de la police?

 

Ce qui m’est arrivé n’est qu’un cas parmi tant d’autres. En fait, dans mon nouveau quartier, un jeune est arrêté après une certaine heure. Une fois qu’il est 18 h passé dans certains milieux dans les communes de Makala, Lemba, Ngaba, un jeune dans la rue est assimilé à un délinquant qu’on arrête d’abord. Les explications viendront après. Et même lorsqu’on est innocent, la libération a un prix.

Et pourtant, je sais que la police est censée assurer la sécurité des personnes et de leurs biens. C’est ça. Mais, là, entendre la voix d’un policier à une certaine heure, je me sens en insécurité. C’est drôle. Mais je me sens plus en sécurité avec les kuluna qu’avec les policiers.
En fait, dans certains quartiers, la présence de policiers est un danger. Du coup, certaines personnes dans les quartiers préfèrent faire alliance avec les kuluna, qui vont leurs jeunes lorsqu’ils sont menacés par les agents de l’ordre. C’est triste à dire, mais c’est vrai. Disons que c’est le ressenti.

Je suis jeune. Qui doit assurer ma sécurité ? La police ? Les kuluna ? Franchement, j’appelle les forces de l’ordre à restaurer d’abord le sentiment de sécurité. Juste que leur présence ne soit pas un élément capable de créer l’insécurité. Je voudrais me sentir en sécurité lorsque je vois un homme en uniforme, peu importe l’heure.