Je m’appelle Dorcas Karatwa. Je suis élève au lycée Cirezi de Bukavu et enfant reporter dans cette ville depuis plus de quatre ans.
Mon rôle est de donner la parole aux enfants, de raconter leur réalité, leurs espoirs, leurs craintes, etc. Je veux partager mon expérience durant les examens préliminaires. J’ai vécu ces examens avec beaucoup d’émotions et je ne peux pas garder cela pour moi toute seule.
Le premier jour des préliminaires des examens d’Etat, je m’installe dans la salle et j’attends le début des épreuves. Devant moi, une feuille blanche. Une partie de mon avenir se décide dans cette salle.
Première épreuve, la dissertation. En fait, j’ai du mal à vivre cet instant que je croyais impossible. Je ne pensais pas qu’on pouvait passer ces examens à Bukavu.
Dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, vivre avec l’incertitude est devenu la norme. L’insécurité, les conflits, les déplacements forcés des populations rythment notre quotidien.
J’ai douté
Comme beaucoup d’autres élèves, depuis les évènements qui se sont passés dans la ville, j’ai douté. Est-ce qu’on va faire les examens d’Etat cette année à Goma et Bukavu ?
Bien plus que ça, je me demande si je vais poursuivre mes études sans craindre qu’un jour, une explosion ou un affrontement réduise mes espoirs à néant ?
Le premier jour des épreuves, je suis là. Avec autant de peur que de courage. La peur, parce qu’on ne sait pas ce qui peut arriver à tout moment.
Je commence à écrire ma composition. J’ai les mains qui tremblent. Les mots mettent du temps à venir. Je crois qu’eux aussi hésitent un peu avant de se coucher sur le papier.

Examens préliminaires d’Etat (@ponabana)
Puis, à force de persévérance, la confiance reprend le dessus. En fait, je ne passe pas cet examen seulement pour moi. Je le passe pour toutes celles et ceux qui, comme moi, veulent croire en un avenir où l’éducation n’est pas un luxe. Je veux croire que je peux étudier sans craindre pour ma sécurité. Et je veux étudier dans la paix.
Alors, en serrant mon stylo un peu plus fort, une pensée traverse mon esprit. Que deviennent ces élèves qui n’ont pas eu la chance d’être ici aujourd’hui ?
Ceux dont les écoles sont restées fermées parce que, dans leurs villages dans le Nord et le Sud-Kivu, les violences n’ont jamais cessé. Ces finalistes qui, bien que vivants, ne peuvent pas passer ces examens parce qu’ils ont peur d’être kidnappé.
Des rêves brisés
Il y a des élèves qui, au lieu d’avoir un stylo et une feuille, ont fui leurs foyers pour rester en vie. Pire encore, il y a des élèves qui sont morts durant les affrontements et les différents conflits dans la région.
Ces élèves finalistes rêvaient, comme moi, de ce jour. Leur avenir et leurs rêves sont fauchés par les conflits. Ils ne sont pas responsables de tout ce qui leur est arrivé.
Ces jeunes porteurs d’ambitions n’auront pas la chance de voir leurs rêves devenir réalité. Des vies fauchées, des rêves et des ambitions arrêtés.
Je suis triste lorsque je pense à ces jeunes, ces élèves comme moi. Je veux porter leur voix. Après tant d’années de sacrifices, d’efforts, de nuits blanches, de rêves nourris et d’espoirs partagés avec les familles, certains élèves n’ont pas pu passer leurs examens. Non pas par manque de volonté, mais simplement parce que la guerre en a décidé autrement.
Je veux écrire pour eux, pour que le monde sache que derrière chaque épreuve, il y a des enfants qui se battent, qui espèrent, qui refusent d’être oubliés.
Aujourd’hui, j’ose espérer
J’ose croire que ce n’est que le début. Nous pouvons apprendre dans des écoles sûres et dans un environnement serein, sans les bruits des armes.
Je veux garder cette force qui m’a permis de m’asseoir dans la salle pour faire mes examens. Nous avons le droit de rêver. Et surtout, nous avons le droit de vivre sans peur.
Voilà effectivement la plume par excellence…. Dorcas vas encore plus loin qu’ici ! Un avenir meilleur pour la nation !☀️
Une pensée à tous ces finalistes qui n’ont pas pu passer leurs examens à cause de l’insécurité.