Grâce M, enfant reporter dans la ville Matadi, province du Kongo-Central.

 

“Le poisson d’aujourd’hui n’avait pas le même goût que celui des autres jours”. C’est ce que j’ai dit à ma mère un soir après avoir mangé du poisson. Quelques instants après, je ne me sens pas bien. J’ai mal au ventre et je ne sais pas pourquoi.

 

Maman me dit que le poisson que j’ai mangé n’avait pas bon goût parce qu’il n’était pas bien congelé lorsqu’on l’a acheté. Elle m’a rassuré et m’a dit de ne pas m’inquiéter.

Les jours qui ont suivi, je tombe sérieusement malade. J’ai des maux de tête, des nausées, de la diarrhée et je vomis. Je ne dors pas de la nuit. Ma maman s’inquiète. Et le lendemain, elle décide de m’emmener à l’hôpital. Après des examens, le médecin conclut à une intoxication alimentaire. Il me donne une prescription et des orientations. Ma mère et moi rentrons à la maison. Je vois sur son visage qu’elle se pose plusieurs questions, mais je ne sais pas lesquelles.

Je m’appelle Grâce Musadi et je suis enfant reporter de Kinshasa. J’habite dans un quartier où on a très rarement du courant. Et l’histoire que je vous raconte, est celle qui m’empêche, aujourd’hui, de consommer les vivres frais vendus dans mon quartier. Je crois que je suis traumatisée.

 

On mange de la nourriture avariée

Quand on arrive dans mon quartier, la première question qu’on se pose, c’est comment fonctionnent les boucheries et les chambres froides ? Normalement, ce sont des endroits qui doivent toujours avoir du courant pour mieux conserver les vivres frais comme le poisson, le poulet, de la viande de bœuf, et tout ce qui entre dans un congélateur.

En fait, je crois que si on les appelle “ vivres frais”, c’est pour rappeler qu’ils ne doivent pas être exposés à la chaleur et bien conservés. Mais les vendeurs de mon quartier ne s’en rendent visiblement pas compte. Parce qu’ils font totalement le contraire.

Comme il n’y a pas de courant dans mon quartier, les vendeurs de certaines chambres froides congèlent leurs marchandises chez eux et les ramènent à la boucherie le lendemain. Sinon, on laisse les laisse au congélateur un moment pour les vendre à ceux qui en ont besoin.
Sortir les vivres des congélateurs domestiques, les décongeler pour les remettre encore dans le congélateur ne permet de mieux conserver la viande. Elles sont périmées souvent lorsqu’on les achète.
On ne le découvre qu’une fois à la maison lorsqu’on prépare. Et quand on se plaint, les vendeurs refusent de rembourser l’argent et n’améliorent pas leur façon de conserver la viande ou les autres vivres frais. C’est décevant.

 

Je veux manger encore de la viande

 

Depuis ma maladie, ma maman a décidé que je ne mangerai plus des vivres frais vendus dans mon quartier. En fait, j’ai plusieurs fois été embarrassée à l’école parce que j’avais des maux de ventre ou la diarrhée après avoir mangé de la nourriture périmée à la maison, avant de tomber malade. Donc, pour ma mère, la maladie était la goutte de trop.

J’aime tellement la viande que quand ma maman m’annonce que je ne mangerai plus de vivre frais à la maison, j’ai envie de pleurer. Oui. Ne plus pouvoir manger de la viande me fait mal. Pour moi, ce n’est pas juste de me priver de ce droit. Mais je ne veux pas retourner à l’hôpital à cause des aliments périmés. Donc, je n’ai pas le choix. En fait, je pense qu’avoir du courant ne devrait pas être un luxe. C’est un fait normal. Et surtout que cela aide à mieux conserver les viandes dans les chambres froides. Et on ne devrait pas être obligé de vivre dans la peur de mal consommer de la viande, simplement parce qu’on n’a pas d’électricité. Ce n’est pas normal !
Être en bonne santé est un droit. Mais tomber malade parce qu’on a mangé de la viande périmée est juste dommage.

 

Encadreur : Guy Muzongo