Victoire, 15 ans, est enfant reporter dans la ville de Goma, province du Nord-Kivu.

 

Je m’appelle Victoire. Je suis enfant scout de Goma et j’ai 15 ans. Pourquoi je voudrais vous parler de mon école ? En fait, j’étudie dans une bonne école de la ville de Goma.

 

Je suis scolarisé par un oncle. Et quand je commence à fréquenter cette école, je ne me sens pas à ma place. J’ai l’impression de ne pas mériter ma place dans ce milieu et de ne pas recevoir le même traitement que d’autres enfants. Comme si les enseignants me regardaient bizarrement à chaque fois.

 

 

En fait, dans mon école, les enfants viennent presque tous en voiture. Ils descendent de leurs véhicules en souriant. Ils disent au revoir aux chauffeurs et à leurs parents tout en étant heureux. Alors que moi, je viens à pied, sans chauffeur et sans mes parents. Je suis seul. Et personne ne m’attend à la sortie. Ces enfants eux, retrouvent les voitures qui les attendent pour les ramener à la maison.

 

Je vends mes services pour un bout de casse-croûte

 

À la récréation, chacun sort sa collation et mange ce qu’on lui a préparé. Comme je n’emmène rien à manger, je fais souvent les devoirs de mes amis. En échange, ils doivent me donner un peu de leur casse-croûte. Je me sens tout de même discriminé. Et comme je ne peux le dire à personne, je souffre en silence. Je souffre tellement que rien de ce que j’ai ne me suffit.

 

Alors, mes amis viennent des bonnes familles et sont toujours en ordre avec les frais scolaires. On ne les chasse jamais de l’école. Ils viennent et partent comme ils veulent. Ce n’est pas toujours mon cas. C’est encore une raison pour laquelle je pense qu’ils sont privilégiés, et qu’ils réussissent sans efforts. Et lorsqu’on arrive à la proclamation, c’est encore la même chose. Les fois où je suis premier de la classe, la proclamation se fait dans les salles de classe. Pourtant, quand ce sont les autres, les résultats sont proclamés dans la cour de récréation, devant tout le monde.

 

Je m’énerve à chaque fois, mais cela ne change rien. Et cela me fait très mal. En fait, j’ai l’impression que quand c’est moi qui suis premier, on choisit de le cacher à tout le monde. Mais quand c’est un enfant de riche, on le montre. On dirait que tout leur est réservé. C’est triste. Heureusement que je vais changer d’école. J’irai dans une école publique. J’y serai plus à l’aise, avec des élèves qui sont dans les mêmes conditions que moi.

Je ne sais pas si ce sera le même niveau d’instruction. Mais c’est mieux que les frustrations que j’encaisse. Merci.

 

 

Encadreur : Fernand Hamisi