Je m’appelle Manassé Élite et j’ai 15 ans. Je suis enfant reporter de Kinshasa. En fait, j’habite Lemba Salongo et j’étudie à Lemba terminus.

Je suis parti à l’école ce mardi 28 janvier 2025. La journée était annoncée comme étant une ville morte. Des manifestations étaient annoncées pour protester contre la situation qui se passe à Goma et dans l’Est du pays dans son ensemble. Avec la guerre à Goma, dans la province du Nord-Kivu, il y a des adultes, des vieux et des enfants qui meurent et qui sont victimes des violences actuelles.
Alors lorsqu’on décide et qu’on déclare une journée ville morte, les personnes restent à la maison. Il n’y a pas de circulation dans la ville. Les écoles sont fermées. Les magasins, les boutiques et les entreprises sont fermés. On a l’impression que la vie s’arrête.
Et moi, malgré les communiqués que j’ai vu sur les réseaux sociaux, je suis parti à l’école. En fait, je n’étais pas sûr que ces communiqués en rapport avec la ville morte étaient vrais. Je me disais que si c’était le cas, il y aurait une confirmation à la télévision. Malheureusement, je me suis trompé. Et je ne l’ai su que bien après.

Un tableau très troublant 

Le matin, tout allait bien. La ville était calme. On avait cours. Vers 9h, des responsables de l’école nous annoncent qu’on peut rentrer à la maison. Je ne suis pas seul à l’école. Mes amis et moi ne comprenons pas pourquoi. C’est un événement inhabituel. Nous avons fait nos sacs et sommes sortis. Devant l’école, des parents récupèrent leurs enfants. Ils sont pressés et un peu stressés. Je ne comprends pas pourquoi. Je dois marcher pour trouver un transport et rentrer à la maison.
Arrivé à l’arrêt, je suis surpris. Pour moi, la route devient une scène d’horreur. Nous sommes accueillis par des jets de pierres et de la fumée. Il fallait beaucoup d’efforts pour voir la route. J’ai eu très peur. Heureusement, mes amis avaient moins peur que moi. C’est grâce à eux que j’ai pris un détour pour éviter de passer au milieu de la foule. Les motards barraient la route aux véhicules. Des pneus sont brûlés sur les routes. Ceux qui forcent le passage reçoivent des jets de pierres. Dans mon quartier, j’assiste à la même scène. J’ai hâte d’arriver à la maison.

Une scène qui ne me quittera plus

En fait, je comprends la frustration de ceux qui manifestent dans la rue. Je comprends qu’ils veulent exprimer leur colère et faire entendre leur voix. Mais je suis inquiet tout de même. Je m’inquiète pour toutes ces personnes, victimes d’agressions, alors qu’elles ne faisaient que passer sur la route dans leurs véhicules. Ces gens ne sont pas responsables de la situation dans la ville de Goma.
Pourtant, ils en paient un peu le prix. Aujourd’hui, certains ont perdu leurs véhicules. D’autres sont traumatisés. Pour ma part, cette scène m’a profondément marqué. Tellement qu’elle m’a fait réfléchir à la manière dont les manifestations peuvent parfois causer plus de souffrances aux innocents. Je me dis que j’avais sous-estimé les choses. J’ai appris la prudence et surtout, savoir anticiper et rester à la maison lorsqu’on annonce de telles manifestations.
Ce que j’espère ? C’est qu’un jour, nous pourrons trouver des moyens pacifiques d’exprimer nos désaccords et d’œuvrer ensemble pour un avenir meilleur.
Encadreuse : Abigael Mwabe