Au moment de poser ma question, je suis troublé. Je ne sais pas vraiment quoi dire. J’ai l’impression que ma tête et ma bouche disent deux choses différentes. Alors, je pose quand même ma question. Je m’appelle Hugo Asani, je suis enfant reporter de Kinshasa et malvoyant.
Vous comprenez que ce n’est pas du tout facile pour moi. Alors, pour la célébration de la journée mondiale de l’enfance, les enfants de Kinshasa ont échangé avec la Première Ministre. Je suis parmi les dix enfants qui accompagnent les autorités. Nous sommes assis autour de la table. Mes lunettes noires aux yeux. Lorsqu’il faut poser les questions à madame Judith Suminwa, le modérateur cite le nom de l’enfant qui prend la parole, à chaque fois. Je ne sais pas encore quand est-ce que ce sera mon tour.
À chaque fois qu’on cite un nom, je compte pour savoir quand mon tour va arriver. Après la première question, j’entends qu’on demande à la Première Ministre si elle préfère répondre à chaque question ou bien prendre toutes les questions et y répondre d’un coup. Je suis soulagé de l’entendre dire qu’elle veut répondre à chaque question séparément. Heureux d’entendre sa réponse. Je me dis qu’en répondant à chaque question, elle n’en oubliera aucune. Cela me fait aussi penser à une maman qui écoute ses enfants.
J’attends impatiemment que mon tour arrive. Je suis le huitième enfant à parler. Ma question est de savoir ce que fait le Gouvernement pour mettre fin au mariage précoce et donner la chance aux filles mariées de retourner à l’école. Cette question me touche personnellement parce qu’une de mes amies a arrêté l’école pour se marier. Ses parents l’ont renvoyé en province pour cela. En-tout-cas, je l’aimais beaucoup.
Expérience inoubliable
Lorsque mes encadreurs me disent que je serai avec la Première Ministre, je ne crois pas en sa présence. Je me dis que madame Judith Suminwa va sûrement déléguer quelqu’un pour la remplacer. En fait, je crois même que c’est le Ministre de l’emploi qui va la représenter. C’est quand je parle à la vice-ministre des Finances assise à mes côtés que je réalise que c’est une grande activité et que la première ministre sera là. Lorsque j’ai posé la question sur le mariage précoce, cela m’a soulagé un peu en pensant à mon amie dont je n’ai plus aucune nouvelle. J’espère juste que, malgré le fait qu’elle a été mariée sans son consentement, un jour, elle pourra reprendre l’école et qui sait si elle pourra réaliser ses rêves.
Avec mes lunettes, je n’ai rien vu. Mais j’ai vécu pleinement l’activité avec mes autres sens. Et cela reste une expérience incroyable.
Encadreuse : Abigaël Mwabe
