Je vais vous raconter l’histoire de Mireille*, une fille de Kinshasa qui, à 15 ans, est tombée enceinte en pensant échapper à la pauvreté. Aujourd’hui, sept ans plus tard, elle a 22 ans, et son parcours témoigne des réalités douloureuses des grossesses précoces en RDC.

Mireille avait 12 ans lorsqu’elle a commencé à vendre du pain dans la commune de Ngaba pour aider sa mère qui était aide-ménagère. Elle remplacait même parfois sa mère à son travail et ne trouvait presque jamais le temps de jouer. En fait, on aurait dit qu’elle n’était pas une enfant. Elle parlait tout le temps de travailler et de gagner du temps. Pour moi, c’était un langage inconnu.

Mireille habitait un quartier reculé de la commune de Ngaba avec sa mère. Son père était parti lorsqu’elle était plus jeune. Au fond, elle avait l’impression de ne pas vivre son enfance. Comme si on la lui prenait.

Plutôt que de jouer avec ses amis, Mireille vendait du pain près d’un arrêt du quartier Salongo, dans la commune de Lemba. À son arrêt, Mireille avait un client particulier. Il lui faisait des avances. Il revenait souvent lui tenir compagnie à sa table. Petit à petit, elle s’est laissée séduire par le jeune homme. Elle espérait secrètement qu’il changerait sa vie, qu’il la sortirait de la misère.

Mireille cachait soigneusement ce secret à sa maman. Mais chaque matin, elle sortait plus enthousiaste pour aller vendre le pain. Un jour, le drame est arrivé : Mireille était enceinte. Elle n’avait que 15 ans.

Sa maman n’en revenait pas. Elle se demandait où elle avait échoué. Avec l’appui de la famille élargie, on a accompagné Mireille chez l’auteur de sa grossesse. C’était sa nouvelle maison. Sa maman était en larmes, mais elle n’avait pas le choix : elle n’avait pas les moyens de prendre soin de l’enfant de Mireille et ne voulait pas que l’histoire se répète.

Lorsque je revois Mireille sept ans plus tard, elle a 22 ans. Elle remplace sa mère malade dans ses tâches à la maison. Elle a maintenant deux enfants du même père. Lorsque je lui parle, je sens qu’elle regrette.

En voulant sortir de la pauvreté, Mireille a fait un choix qu’elle regrette. Pour elle, c’est le fruit d’une enfance volée :

« On travaille enfant, mais on reste inconsciemment enfants. Donc il y a toujours cette partie de nous qui ne sait pas vraiment quelle décision prendre face à certaines réalités telle que la souffrance », dit-elle.

C’est le cas de beaucoup d’enfants en RDC.