Abigaël, 22ans, est une ancienne Enfant Reporter de la ville de Kinshasa. Elle est aujourd'hui étudiante en droit et continue de s'impliquer pour les droits des enfants en encadrant à son tour les Enfants Reporters.

Le mercredi 4 mai dernier, il y a beaucoup d’attroupements dans mon quartier. C’est inhabituel. Qu’est-ce qui attire autant l’attention ? Plus j’avance, plus les gens sont agités. Des immeubles et maisons sont démolies dans mon quartier. Je suis sans voix.

Une main sur la joue, une dame regarde la scène. Des larmes coulent sur ses joues, en silence. Elle vient de perdre sa maison. Depuis le matin, les tracteurs et d’autres machines écroulent les murs des maisons. Certaines familles assistent, impuissantes, à la démolition de leurs maisons. Je me pose plein de questions. « On ne démolit que les maisons qui sont à une certaine distance de la rivière », me dit un monsieur. Il explique que les démolitions ne concernent que les constructions anarchiques et les maisons proches de la rivière. « La distance minimum entre les maisons et la rivière doit être de 20 mètres. Sinon, on est démoli », ajoute le monsieur. Il semble mieux connaître le dossier.
Je regarde les engins détruire d’autres maisons. Les débris tombent un peu partout. Un périmètre de sécurité est défini. Les passants ne doivent pas s’approcher qu’on détruit. Comme le périmètre de sécurité bloque une bande de circulation sur la chaussée, cela crée des bouchons.
En fait, il y a des familles qui ont appris la démolition de leurs maisons seulement veille. D’autres ne sont informés que le matin des démolitions.

Drôle de journée 

Certaines démolitions se font dans le quartier Mont-Fleury. Des agents sont venus frapper aux portes des maisons pour leur demander de partir parce qu’on va démolir leurs maisons. Ces familles apprennent qu’elles n’ont plus de toit. Les parents sont inquiets. Ils ont des questions, mais pas de réponse. Ils sont obligés de vider la maison. Le temps presse. Il faut surveiller les affaires pour que les passants ne les emportent pas.
Dans plusieurs maisons, la scène se répète. Il faut partir et vite avant que les machines destructrices ne viennent réduire en un tas de pierres des millions de francs congolais investis.
Pas loin d’un hôtel connu de la commune de Kintambo, certaines personnes doivent quitter des maisons qu’elles viennent d’acheter récemment. En fait, ces gens ont acheté des parcelles sur une avenue sans savoir que les habitants étaient prévenus des prochaines démolitions. Après avoir reçu la nouvelle, les anciens propriétaires se sont dépêchés de vendre leurs parcelles.
Les nouveaux propriétaires font face à la démolition de leurs maisons. Certains acheteurs y ont mis des économies de toute une vie.
Un habitant du quartier nous raconte :
« En fait, environ trois mois avant les démolitions, nous avons remarqué des nouvelles constructions dans le quartier. Des immeubles, des maisons en étages, etc. Plus tard, nous avons appris que presque tous nos voisins ont vendu leurs maisons. Nous ne savions pas pourquoi. Ce n’est qu’aujourd’hui qu’on apprend qu’ils étaient prévenus des démolitions, trois mois à l’avance. Ils ont donc piégé des gens en leur vendant leurs parcelles. Le spectacle était très triste », raconte un témoin, il vit dans le quartier. Sur son avenue, les maisons ne sont pas touchées.
Ce monsieur a vu comment des passants et d’autres badauds ont pillé la maison de sa voisine. Ce sont les voisins qui lui ont expliqué les raisons des déménagements observés dans le quartier.

Qu’en est-il des enfants ?

Lutter contre les constructions anarchiques dans la ville est une chose. Mais je me demande quelles dispositions sont prises pour les familles ? Que deviennent les enfants dans ces familles qui ont perdu leurs maisons ? Des sans-abris ? Comment peuvent-ils encore aller à l’école alors que l’année tend à sa fin ? Je me pose des questions sur l’avenir des enfants dont les parents ont tout perdu pendant ces démolitions.
La situation est tellement triste et je garde une pensée pour ces enfants et leurs familles.
Abigaël Mwabe