La violence dans les écoles est devenue un vrai problème. Et j’ai assisté à une scène choquante dans l’école de mon petit frère, dans la commune de Lemba.
Je m’appelle Elsevitch. J’ai 15 ans et je suis enfant reporter de Kinshasa.
« Ici, avant la loi, c’est moi »
Lorsque j’entends la phrase, je suis choqué. « Ici, avant la loi, c’est moi ». C’est la responsable de l’école de mon petit frère qui la prononce avec toute la force qui va avec. Cette dame fait cette déclaration un matin devant les élèves de l’école.
Alors, un élève de 5ème année primaire qu’on va appeler Christian a accidentellement mis les pieds contre le mur de sa classe. L’enfant était distrait. En fait, comme il n’y avait pas de professeur dans la salle, les élèves dérangeaient. Et certains étaient dehors. Malheureusement, Christian, qui était dos à la cour de l’école, n’a pas vu la sœur préfète arriver.
Le cou dans les mains
Avant qu’on ne comprenne ce qui se passe, la sœur avait déjà le cou de Christian entre ses mains. En réalité, elle a étranglé l’enfant de ses deux mains. Devant des parents, une dizaine de professeurs, et même certains élèves. C’était devant le bureau de l’école primaire. Tout le monde était choqué.
Le temps de récupérer son souffle après l’étranglement, la préfète enchaîne avec des gifles. Elle les claque et on peut entendre le son au loin. Elle frappait l’enfant, lui répétant qu’elle souffrait suffisamment pour arranger l’école et que des enfants comme lui n’avaient pas le droit de venir abîmer l’école. L’enfant pleurait. Moi, j’étais traumatisé. Les parents, eux, sont repartis inquiets des conditions dans lesquelles ils laissent leurs enfants à l’école. Mais aucun parent n’a osé parler à la dame.
Après les plaintes de certains parents, le président du comité des parents des élèves a décidé de voir, au nom de tous les parents, la sœur préfète et de parler de l’incident survenu avec Christian. Il était accompagné de certains parents. Pour appuyer ses propos, lors de la discussion, le président du comité des parents a invoqué la loi portant protection de l’enfant qui sanctionne les violences contre les enfants.
« Dans cette école, avant la loi, c’est moi », a répondu la dame préfète aux plaintes des parents. En sortant de la rencontre, les parents étaient tous choqués. Au point que personne n’a pu lui répondre. Et chacun est retourné à ses occupations.
Les violences sont normales dans l’école de mon frère
Lorsque mon père est revenu ce soir-là, il était dépassé par ce qu’il a vécu et entendu. Il a décidé de parler avec mon frère pour comprendre ce qui se passe dans son école. Évidemment, à ce moment-là, on veut tous savoir ce qu’il se passe.
À la surprise générale, mon petit frère ne voit rien de grave dans l’étranglement de Christian. Pour lui, c’est même normal. Personne n’en revient. La violence de la responsable est normalisée et acceptée par les élèves.
J’explique à mon frère que les violences en milieu scolaire sont une violation des droits de l’enfant et qu’on ne devrait pas les tolérer. Je lui parle de la Convention relative aux droits de l’enfant et de la loi portant protection de l’enfant qui condamnent les violences faites à l’enfant.
Pour lui, ce n’est rien tout ça.
Mon plaidoyer
En fait, je pense que mon petit frère et d’autres élèves de son école ne sont pas sensibilisés à leurs droits. Du coup, ils ne savent pas comment les réclamer et comment les défendre. Les élèves de cette école ont normalisé la violence. Je pense qu’on devrait les sensibiliser sur la violence contre les enfants et les amener à prendre conscience de l’impact qu’elles peuvent avoir sur les victimes. Ensuite, je crois qu’il faudrait initier plus d’enfants à leurs droits. Parce que plus ils auront l’information, moins ils seront des potentielles victimes de violences. Et enfin, on devrait mettre en place un espace où les enfants pourront dénoncer les violences qu’ils subissent, sans avoir peur des représailles.
En fait, il faut mettre fin aux violences contre les enfants dans les écoles.
Encadreuse : Abigael Mwabe