« Sambolé!… Zoba ! ». C’est ainsi que commençaient souvent les devinettes lorsqu’on jouait avec mes sœurs à la maison. C’était notre rituel du soir.
On décrivait une situation courante et les autres devaient deviner la bonne réponse. On partait souvent en fou rire. Parfois, on dansait et on criait s’il le fallait. À la maison, l’ambiance était agréable. C’était comme si un seul mot pouvait apporter la gaieté et la bonne humeur. Même la fatigue disparaissait face à la force des rires. C’était la belle époque. Et cela c’était avant. Je m’appelle Guy Muzongo et je suis jeune reporter de Kinshasa.
Aujourd’hui, la maison est plus calme que ce que je vous ai décrit avant. Il ne reste même plus de trace de ce temps-là. Aujourd’hui, lorsque j’entends les voix de mes sœurs, c’est pour parler d’une série qui passe à la télé, d’un buzz sur internet ou pour demander un service. Il y a toujours des éclats de rire, mais plus pour les mêmes raisons. Aujourd’hui, il n’y a plus de traditions ni d’habitudes familiales.
Internet prend tout l’espace
Depuis la venue des réseaux sociaux, on ne se retrouve plus vraiment ensemble avec mes sœurs pour discuter. On ne rigole plus tous ensemble sur une histoire que l’un d’entre nous raconte. Chacun reste absorbé par son téléphone. On est occupé à répondre aux messages et à lire les notifications. Depuis, on se parle de moins en moins.
En fait, je pense que le numérique a plusieurs avantages. Que ce soit dans la facilitation des conceptions visuelles, les créations ou même l’éducation. Ce qu’on perd au niveau des familles est aussi important. Je pense qu’on ne peut pas remplacer l’unité familiale par un écran d’ordinateur ou de portable. Pourtant, aujourd’hui, c’est ce qui se passe. Même lorsqu’on se retrouve avec des amis, on rigole moins. À un moment donné, chacun est sur son téléphone.
Dans les familles aujourd’hui, les parents et les enfants se parlent de moins en moins. Les histoires familiales ont quitté les maisons. Les jeux de société, etc., ont quitté les tables. Certains liens familiaux se distendent et on partage de moins en moins du temps ensemble pour rire ou se raconter des histoires. Le tout passe par internet maintenant.
Malheureusement, je ne sais pas cela ne se passe que chez moi. Je ne pense pas. Je crois qu’il y a d’autres personnes qui vivent la même chose. Et il est difficile de trouver aujourd’hui, un jeune capable de se défaire de son écran le temps d’un jeu ou d’une conversation. Nous l’avons toujours à portée de main.
On peut encore changer les choses
En fait, je pense que tout n’est pas perdu. On peut encore changer les choses. Et reprendre nos bonnes habitudes. Par exemple, on pourrait programmer des soirées jeux. Ou adultes et enfants pourraient échanger sans écran. Pour moi, ces moments sont importants parce qu’ils permettent de renforcer les liens en famille et de créer des souvenirs.
Je pense qu’on devrait sensibiliser et se discipliner à moins utiliser les écrans en famille et à la maison. Les enfants doivent comprendre que ce qui se passe à la maison, avec leurs proches, a une valeur inestimable. Et que cela leur permet de réfléchir. Ce sont des moments de partage d’émotions authentiques en famille. Je crois que, ce n’est que comme cela qu’on peut grandir dans un environnement stimulant et redonner vie à nos relations familiales.
Les écrans ne peuvent pas tout effacer ou tout remplacer. On peut choisir maintenant de se reconnecter vraiment à l’humain et moins aux écrans.
Encadreuse : Abigaël Mwabe