Mon amie est morte. Je l’aimais beaucoup. Je vais l’appeler Bénédicte pour préserver son identité. Bénédicte n’est plus de ce monde.
J’en veux un peu à ses parents. En fait, avant sa mort, mon amie a vraiment souffert. Ses parents ont commencé par détruire sa vie. Parfois, j’ai l’impression de la revoir dans la rue. J’ai mal lorsque je ressens cela.
Je m’appelle Daniella. J’ai 10 ans et je suis enfant reporter de la ville de Kinshasa.
Mon amie Bénédicte est une fille que j’ai connue dans mon quartier. J’ai même encore du mal de parler d’elle au passé. À l’époque, elle n’a que 9 ans. Elle est orpheline. Quand on se rencontre, elle vend dans la rue pour aider sa famille. Je dis aider sa famille. Mais en réalité, ses parents l’obligent d’aller vendre. Selon les périodes de l’année, elle vend un produit ou un autre.
Le courant passe tellement bien entre nous, qu’on devient amies. On se voit à chaque fois qu’elle a un peu de temps libre. Quand on vend pour aider la famille, ce n’est pas facile de trouver du temps pour voir ses amies.
Bénédicte a été adoptée
En fait, Bénédicte est adoptée dans cette famille. Un jour, ses parents adoptifs l’avaient tellement frappé et c’est là qu’elle m’avoue tout. Elle n’est pas l’enfant biologique de ces parents.
Elle me l’avoue en pleurant. Après la bastonnade, elle a été obligée d’aller vendre au marché. Sur le chemin, elle en a profité pour me saluer.
Au départ, c’était une fille heureuse. Elle vivait avec ses deux parents biologiques. L’enfant ne se plaignait pas de sa vie. Jusqu’au jour où ils sont morts tous les deux.
Pour Bénédicte, c’était la fin du monde. Non seulement, elle devient orpheline de père et de mère, elle devient aussi sans domicile. Aucune des deux familles de ses parents ne voulait d’elle. Elle a donc fini dans un orphelinat de Kinshasa.
Un jour, une famille a demandé et obtenu son adoption. Les parents avaient l’air aimables et ont même demandé à lui parler avant l’adoption.
« Nous sommes là pour t’adopter. Veux-tu qu’on t’adopte pour que tu deviennes notre enfant ? » , lui demande ces parents. Elle a les yeux baissés quand elle me parle de cet épisode. À ce moment-là, je crois que la scène lui revient.
Elle me raconte qu’elle était aux anges. Pour elle, Dieu lui envoyait une nouvelle famille. On lui proposait de l’amour, un toit et le retour à l’école. Elle ne pouvait pas rêver mieux. Ce qu’elle ne savait pas, c’est qu’elle avait devant elle des personnes méchantes, qui allaient la conduire à la mort. Bénédicte a accepté sans hésiter.
Bienvenue en enfer
Je parle bien de l’enfer. Désolé. Mais, ce que c’est enfant a vécu ressemble plus à l’enfer qu’à autre chose. Quelques jours après son arrivée à la maison, les nouveaux parents de Bénédicte demandent à lui parler. Ils tiennent à ce qu’elle comprenne les règles de la maison. Mon amie tombe de haut.
En fait, ses parents lui expliquent qu’elle doit leur rapporter de l’argent. Comment ? « Bah, il faut travailler », lui dit son père. Bénédicte est perdue et ne comprend pas ce qui se passe. La nouvelle information la perturbe.
Le temps de comprendre, ses nouveaux parents poursuivent. Ils lui imposent un travail et fixent la somme d’argent qu’elle doit ramener chaque jour. Et lorsqu’elle ne l’atteint pas, elle est punie et privée de sortie. C’est la condition pour l’envoyer à l’école. Je comprends pourquoi mon amie est inquiète lorsqu’elle n’a pas atteint sa recette journalière. C’est même elle qui m’apprend ces mots. Elle les disait tout le temps.
Chaque fois que Bénédicte rentre sans argent, on la punit sévèrement. Elle ne mange pas non plus. D’ailleurs, elle travaille beaucoup plus qu’elle ne mange. Et pour être sûre d’avoir sa recette journalière, elle décide d’arrêter l’école.
« Je ne peux pas vendre et aller à l’école en même temps. C’est fatigant. Je ne peux pas avoir ma recette journalière si je perds du temps à l’école. Et sans cette recette, je n’ai pas de paix », me confie-t-elle, en pleurant.
Quelques semaines après, j’apprends que Bénédicte est morte. Mon amie a tellement subi des pressions et des mauvais traitements. J’ai pleuré de toutes mes forces. Je demandais à Dieu de me rendre mon amie. Même une fois pour que je lui parle. Je pourrais lui demander de s’enfuir, d’aller vivre ailleurs ou de rentrer à l’orphelinat. Mais c’était trop tard. Elle était déjà partie. Je ne pourrai plus la voir. Ni parler avec elle
Mon amie est partie pour toujours. Elle est morte trop tôt. Paix à ton âme Bénédicte
Encadreur : Nova Kwaya