Âgés de 9 à 18 ans, les Enfants Reporters sont des filles et des garçons de toutes les origines sociales qui œuvrant pour la protection, l’éducation, la santé et la participation des enfants en RDC. Initiés à la Convention internationale relative aux droits de l’enfant et aux techniques journalistiques de base, les Enfants Reporters prennent conscience de leurs droits et font entendre leurs voix par le biais des différents supports de communication.

 

« Maman où t’es? ». Je vous raconte aujourd’hui la deuxième partie. En fait, j’ai vu des scènes qui sont restées gravées dans ma tête. Il y a notamment des filles qui étaient violées.

 

En fuyant les combats de Mbau, notre village, je suis tombé sur une autre scène qui a déchiré mon cœur. Je vois des jeunes filles se faire violer dans la brousse. Difficile d’oublier cette scène. J’en pleure encore aujourd’hui. Personne ne prend le temps de les défendre. Les événements passent vite. Je continue de courir. En fait, à ce moment-là, il y avait tellement de monde que quelqu’un aurait pu intervenir. Mais il y avait tellement de bruit. Chacun s’occupait d’abord de sa vie. Certains parents ont oublié leurs enfants ou les ont perdus en chemin. J’ai encore mal pour ces enfants.

Je n’arrive pas à trouver une explication en me disant qu’on peut ne peut faire pire qu’abandonner son enfant lorsqu’il est dans le besoin. Et que les enfants ne comptent peut-être pas tant que ça. Ma mère est à Oïcha. Je ne sais pas si elle a appris la nouvelle. Je l’imagine en train de pleurer pour nous ses enfants, son chagrin. Elle serait en train de chercher ses trois enfants. Certainement, qu’elle se demande où nous sommes ? Qu’est-ce qu’on est devenu? À qui va-t-elle poser la question ? Où sont ses trois enfants ? Personne ne peut répondre à toutes ces questions. Ma mère ne sait pas si nous sommes déjà morts ou si nous sommes encore vivants. Est-ce qu’elle pourra un jour revoir ses enfants ? Si elle a encore un petit espoir de nous savoir en vie et qu’elle veut nous chercher, par où va-t-elle commencer ? J’ai mal pour elle pendant que je me soucie d’elle. Si nous sommes encore vivants, peut-être qu’on ne la reverra plus jamais.

 

Un enfant traumatisé, une vie perturbée

 

Je n’ai pas vraiment les mots pour exprimer ce que je pense. Je dois revenir sur l’instant présent. En fait, ce que j’ai vécu m’a tellement marqué. Tout ce que je sais est que je ne vois plus la vie ou les choses de la même façon. Lorsqu’un enfant a vu d’autres enfants mourir et d’autres se faire violer, il ne voit plus la vie avec l’insouciance d’un enfant. La violence que j’ai vu est juste indescriptible. Je devrais probablement consulter un médecin, un psychologue. Le fait d’en parler me soulage un peu. Mais les images sont comme gravées dans ma tête. Parfois, je revois tout ce que j’ai vécu.

Je me pose encore beaucoup de questions.

Je me dis qu’un enfant, c’est tout ce qu’on a. C’est tout un pays, tout un peuple. Une enfant, c’est toute une nation, un avenir et l’espoir d’une nation. Alors pourquoi certaines personnes ne voient pas l’intérêt de le protéger ? Pourquoi ne pas en prendre soin ? Pourquoi est-ce qu’en temps de crise, les premiers abandonnés sont les enfants ? Je ne trouve toujours pas de réponse à mes questions. Peut-être que vous les avez. Aidez-moi à avoir la réponse.

 

Maman, si tu nous entends ou nous lis, sache que nous savons que tu ne nous as pas abandonné. Tu es sûrement anéantie comme tu n’as pas de nos nouvelles. Tu penses peut-être que tu ne nous reverras plus jamais. J’espère que tu n’es pas morte. Je garde espoir qu’on se reverra. Garde la force d’avancer Maman. Je t’aime et je pense à toi. Je suis triste de ne plus te revoir. Même si je ne l’ai pas choisi. Mais tu restes à jamais dans mon cœur Maman… Ton enfant. Tu vas me reconnaître en lisant cette histoire. Parle un peu de ta situation autour de toi, peut-être que quelqu’un fera le lien entre ton histoire et ce texte que j’écris.

Je ne sais pas comment je serai lorsque je vais te revoir. Mon Dieu ! Maman, tu me manques.

 

Encadreur : Félicité Mbuyi