Je m’appelle Sophie Bulongo, j’ai 16 ans et je suis élève de l’Institut Neema Ephata à Goma. Depuis quelques mois, je me suis fait un nouvel ami. Il s’appelle Obed. Il a une vie assez compliquée. Je vous raconte.
Obed a 10 ans et c’est le septième enfant de sa famille. Il a huit frères et sœurs. Malgré son jeune âge, il est vendeur ambulant. Mais c’est plus par nécessité que par choix qu’il vend. Il habite un quartier de la ville de Goma. Lorsqu’il va vendre, Obed ne gagne pas de l’argent. L’argent qu’il gagne ne l’aide pas à subvenir à ses besoins. Il y a aussi les besoins de ses frères et sœurs.
Vendre pour sauver les siens
Lorsqu’il doit sortir le matin, Obed, comme tout commerçant, compte sur sa chance pour avoir une meilleure vente. Chaque jour, il espère bien vendre et gagner beaucoup d’argent pour aider sa famille. Et hasard ou grâce, je ne sais pas trop, Obed revient toujours les mains pleines. Depuis que je le connais, je ne l’ai jamais vu triste d’avoir fait une mauvaise vente. Il en est très fier.
Quand il n’est pas sur terrain, pour une vente, Obed est à l’école. Il est élève en 5 ème année primaire d’une école de la ville. À l’école comme dans son commerce, il excelle. C’est un élève assidu malgré ses conditions de vie. Pour lui, son commerce est tout aussi important que l’école. À 18h, lorsqu’il a fini de vendre, il rentre faire ses devoirs et aider sa famille avec les tâches ménagères. Mon ami fait cela avec beaucoup de plaisir. Vendre, c’est du travail. Pour lui, c’est normal de travailler. C’est même important. « Cela permet de subvenir à ses besoins », me dit-il.
Jouir de son droit de jouer comme tout enfant
Tous les jours, après l’école, Obed se dépêche de rentrer à la maison ou sa marchandise apprêtée l’attend. Il circule dans les rues de Goma pour trouver des clients. Parfois sans manger. Ses plateaux d’œufs sur la tête, il marche sur les artères principales de la ville dans l’espoir de trouver des clients. Sinon, c’est dans les coins où l’on trouve beaucoup de monde qu’il va rester jusqu’à ce qu’il épuise ses œufs. En l’écoutant, j’imagine combien cet exercice doit être difficile, chaque jour. Mais ce qui m’étonne encore plus, c’est que lui, ne le voit pas comme cela. J’en perds mes mots.
Pour mon ami, c’est une fierté que son activité soit un gagne-pain pour lui et sa famille. En plus, cela lui permet de payer son minerval. Le seul point compliqué avec son commerce, c’est la fatigue. En plus de cela, quand Obed va vendre, il rentre assez tard. Je me rends compte que cela fait plus d’une année que mon ami n’a pas joué. Son dernier jeu remonte à la veille du jour où il a commencé son commerce. C’est trop pour moi.
Obed rêve de trouver mieux
Lorsque je lui demande s’il a un rêve, je m’attends à ce qu’ Obed me parle de son commerce. Sa réponse me surprend.
« Je rêve d’arrêter ce travail un jour. Je veux trouver un meilleur capable de m’aider à subvenir aux besoins de toute notre famille », me dit-il. C’est pour cela que mon ami travaille avec acharnement à l’école. Il veut atteindre le plus haut niveau d’études possible et avoir un autre commerce, digne de ce nom, avec une renommée internationale. Il voudrait être son propre patron et gagner beaucoup plus que ce qu’il touche aujourd’hui. Je ne sais pas combien il touche après chaque vente. Tout ce que je sais, c’est qu’il rêve de plus.
Je l’admire en secret. En fait, je pense qu’il est à la fois brave et optimiste. Et que sa motivation est inébranlable. J’admire le fait que malgré sa situation difficile, Obed continue de croire en un avenir meilleur. Mon souhait ? Que cet enfant soit pris en charge par ses parents et non pas l’inverse. C’est en tout cas ce que préconise la Convention relative aux droits de l’enfant. J’espère qu’il pourra ainsi grandir avec moins de charge sur ses épaules et se consacrer à réaliser ses rêves. Je le lui souhaite, vraiment.
Encadreur : Richard Mivirei