Depuis le début du mois d’octobre, plusieurs personnes dans mon entourage n’arrêtaient pas de parler d’Octobre Rose. Ce mot revenait sans cesse dans les conversations, attisant ma curiosité. J’ai voulu comprendre ce qu’il signifiait réellement.
Invitée par une amie, j’ai pris part à une journée de sensibilisation au cancer du sein organisée par l’organisation TUINUKE PAMOJA au bureau des scouts de Goma.
J’y ai découvert bien plus que je ne l’imaginais : le sens profond d’Octobre Rose, la réalité du cancer du sein, mais aussi le poids des croyances et des mythes qui l’entourent encore.
Tout a commencé par une question posée par Priscille Kabuye, la coordinatrice de l’organisation :
« Selon vous, c’est quoi le cancer du sein ? »
Quelques mains se sont levées timidement. Certaines jeunes femmes ont répondu : “C’est une maladie.”
C’était déjà un bon début : elles savaient au moins que le cancer n’est ni une malédiction, ni un châtiment.
Mais quand Priscille a enchaîné avec :
« Et d’après vous, d’où vient le cancer ? »
les réponses ont pris un autre ton :
— « Ma hewa » (les esprits, en swahili)
— « Des mulonge » (pièges mystiques)
— « Parce qu’on met un téléphone dans le soutien-gorge ? »
La salle a éclaté de rires. Derrière l’humour, une triste réalité : les mythes sur le cancer du sein ont souvent plus de poids que l’information médicale. Beaucoup de femmes préfèrent croire à ces histoires plutôt que d’aller se faire dépister, par peur, par manque de moyens ou simplement par ignorance.
Priscille a calmement précisé :
« Le cancer du sein, ce n’est pas ma hewa, ce n’est pas mulonge. C’est une vraie maladie du corps. »
Elle a ensuite expliqué simplement comment le cancer apparaît quand certaines cellules du corps, au lieu de mourir comme elles le devraient, continuent de se multiplier sans contrôle, jusqu’à détruire ce qui les entoure. Une explication claire, limpide, que beaucoup entendaient pour la première fois.
Puis, elle a perlet de prévention dans des mots accessibles à tous : bien s’alimenter, boire de l’eau, éviter l’alcool et le tabac, et surtout connaître son propre corps.
Nous avons ensuite parlé de l’auto-palpation. Priscille a montré comment observer ses seins devant un miroir : vérifier s’il y a une différence de taille, un changement de forme, ou si la peau devient granuleuse comme celle d’une orange.
Puis, sur un ton humoristique, elle ajoute :
« Et non, on ne vous conseille pas d’aller vous faire sucer les seins chez vos chéris ! »
Rires dans la salle, mais message clair : les gestes intimes ne remplacent pas un examen médical. Le cancer du sein ne prévient pas. Il ne fait pas toujours mal, et souvent, quand la douleur apparaît, c’est qu’il est déjà avancé.
« Le cancer du sein n’a pas d’âge, et il peut aussi toucher les hommes. »
Cette phrase m’a marquée. Parce qu’on oublie souvent que le dépistage n’est pas une affaire de femmes mariées ou de familles aisées. C’est une question de survie.
J’en appelle au Ministère de la Santé, aux autorités locales et aux hôpitaux :
- Faites du dépistage une priorité nationale.
- Rendez-le gratuit, régulier et accessible, même en zones rurales.
- Investissez dans la sensibilisation communautaire et la formation du personnel médical.
Parce que la santé des femmes n’est pas un luxe, c’est un droit fondamental. Et parce qu’une information juste, au bon moment, peut sauver une vie.
Laetitia Bukebo, âgée aujourd’hui de 20 ans, a été formée en tant qu’Enfant Reporter par l’UNICEF à Goma dans la province du Nord-Kivu.
