Le sommet des jeunes qui s’est tenu à Kinshasa le 29 octobre 2014, a été une journée d’apprentissage sur les mariages précoces ainsi que leurs inconvénients dans la vie des jeunes et aussi une découverte des différents talents des enfants.
Ce sommet regroupait 80 enfants provenant de différentes structures : les enfants reporters, les élèves de l’Institut National des Arts et ceux de l’académie des beaux-arts et les enfants encadrés par l’ONG War Child ; accompagnés de leurs encadreurs.
Pour commencer le sommet, nous avons été briefés sur les mariages précoces afin de nous permettre de mieux passer au travail. Comme me l’a dit Esther, une des jeunes filles ayant vécu dans la rue encadrée par War Child : « Cette journée m’a appris que je ne peux contracter le mariage avant l’âge. Le mariage avant l’âge est assorti de beaucoup de conséquences, comme avoir des difficultés d’accouchement et risquer de mourir alors qu’on n’a pas encore accompli ses rêves ».
Après la présentation, on a projeté une vidéo dans laquelle nous avons appris qu’une fille de l’âge de 12 ans a besoin de plus d’encadrement pour mieux distinguer le bien du mal. Si une fille est déjà mariée à l’âge de 12 ans, elle court plusieurs dangers, dont l’abandon de l’école, le risque de contracter des maladies comme le VIH/SIDA et aussi le risque de mort soit pour elle soit pour le bébé lors de l’accouchement. Mais au contraire, si à partir de 12 ans elle va à l’école, qu’elle rencontre régulièrement un médecin, qu’elle est instruite dans tous les domaines de la vie, alors elle aura un avenir meilleur et fera de même pour la génération suivante et ainsi de suite.
Après ces présentations, Sabu, une des jeunes filles encadrée par War Child, m’a fait part de ses impressions : « Cela m’a permis non seulement d’être informée mais surtout de briser mon ignorance sur le phénomène du mariage précoce et forcé. Se marier à l’âge de 12 ans a plusieurs conséquences, comme les difficultés d’accouchement qui peuvent aboutir à la césarienne ; les travaux ménagers qui dépassent son âge, et le fait que la fille mineure n’est pas préparée au mariage. Pour moi, il est important désormais que les parents préparent l’avenir de leurs filles en les scolarisant, jusqu’à ce qu’elles atteignent l’âge adulte qui leur permettra de prendre seule la décision de se marier. »
Juste après le briefing, nous nous sommes séparés en quatre ateliers : le premier atelier a travaillé sur le plan d’action, le deuxième sur la danse et le chant, le troisième sur le théâtre et le dernier sur la peinture.
Le premier groupe, dont je faisais partie, devait élaborer pour le gouvernement une proposition de plan d’action de lutte contre le mariage précoce. Nous avons décidé d’élaborer des messages pour les victimes, pour ceux qui pratiquent le mariage précoce et pour les décideurs. Nous avons ensuite décidé de comment diffuser ces messages : pour les jeunes nous avons préféré les réseaux sociaux parce qu’ils les utilisent ; pour les parents et la communauté, la radio, la télévision et les journaux ; et pour les décideurs nous avons décidé de demander des audiences.
Nous avons mis en place un calendrier prévoyant des séances de sensibilisation à travers les médias et des descentes sur le terrain là où ont lieu les mariages précoces, c’est-à-dire dans les milieux ruraux. Nous avons proposé la mise en place d’un groupe de suivi des décideurs afin de s’assurer que les recommandations et le processus de révision du code de la famille (pour que l’âge légal de mariage des filles soit fixé à 18 ans comme le prévoit la loi portant protection de l’Enfant, et non plus 16 ans) aboutissent à une solution.
Le groupe de peinture a fait un très beau portrait, qui montrait le visage d’une fille qui regrette d’avoir été mariée précocement ; de l’autre côté ils ont dessiné une autre fille qui dit « non » aussitôt qu’on lui demande de se marier, qui réussit à finir ses études et à se marier à l’âge adulte.
Le groupe de chant et de danse a écrit des chansons qui incitent toutes les filles à dire non au mariage précoce et qui montrent à la communauté et aux parents les inconvénients des mariages précoces pour la jeune fille.
Le groupe de théâtre, toujours dans la même pensée que les autres, a fait une pièce qui parle d’une fille que ses parents ont mariée à 12 ans. Son papa n’avait plus les moyens pour subvenir aux besoins de toute la famille et pensait que la dot l’aiderait à prendre soin de sa famille. Cette fille était alors mariée à un homme plus âgé et tomba enceinte. Vu son âge, elle a voulu avorter par peur de mourir lors de l’accouchement. Le docteur de l’hôpital où elle voulait avorter l’a ramenée chez elle et a fait arrêter ses parents pour violation des droits de l’enfant.
Après ce sommet, je voudrais dire que toutes ces pratiques des mariages précoces et forcés ont une seule cause : la pauvreté. Les parents n’ont pas assez de moyens pour prendre soin de leurs enfants et ils les obligent à se marier pour que la dot les aide à subvenir aux besoins de la famille. Or cela va à l’encontre de la loi 009/001 du 10 janvier portant protection de l’Enfant. Ce sommet m’a vraiment marquée et m’a appris à toujours dire non et dénoncer toutes les personnes qui encourageront ces mariages forcés et précoces dans mon pays.
J’ai vraiment eu de la chance de ne pas être poussée au mariage par mes parents et qu’autour de moi personne n’ait été marié avant l’âge adulte. Comme l’a dit Esther, une des jeunes filles encadrées par War Child, « les parents doivent bannir ces comportements, ne pas influencer les filles à accepter le mariage précoce et forcé ». Si je devais faire face à une pratique de mariage précoce, je refuserai catégoriquement. Je demande à toutes les filles de toujours dire non au mariage précoce, car cela n’est pas bon pour leur avenir.
[separator]Le sommet en images :
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Depuis octobre 2013, le gouvernement de la République Démocratique du Congo, la Delegation de l’Union Europeene, l’UNICEF et la GIZ (organisation allemande de coopération internationale) ont démarré la mise en œuvre d’un programme appelé « Femmes et Hommes, progressons ensemble ».
Il s’agit d’un programme novateur et de haute portée politique qui répond aux Violences Basées sur le Genre à travers une approche holistique et durable. Cette approche consiste à agir sur les causes profondes des violences basées sur le genre, en vue d’obtenir des résultats pérennes dans la perception du rôle et de la position de la femme et de l’homme dans la société congolaise.