Mon grand-frère me dit souvent: « Li tié te, li lié te ». En français, cela voudrait dire : « celui qui n’a pas contribué ne peut pas manger ». En fait, cela voudrait aussi dire que celui qui ne travaille pas ne mange pas non plus. C’est un peu comme le chante l’artiste musicien Innoss B dans « Yo Pe ».
« Du coup, c’est cela le principe de la maison où j’habite depuis que je suis arrivé à Kinshasa », me raconte Jonas, un jeune vendeur que je rencontre dans la rue.
Je suis Justine Nzanga, je suis enfant reporter de Kinshasa.
Obligé de travailler pour survivre
Jonas a 13 ans et il vient de Mbuji Mayi dans le Kasai. Il y a 9 mois de cela, il a quitté sa ville natale pour venir Kinshasa où vit son frère. Au début, il était content de retrouver son frère. Cela faisait plusieurs mois qu’il ne l’avait pas vu. Il ne savait pas encore ce qui l’attendait.
En fait, Jonas rêvait d’aller à l’école pour préparer son avenir. Mais, là, c’est son grand-frère qui devait le prendre en charge pour l’envoyer à l’école.
Lorsqu’il prend ses marques à Kinshasa, son grand-frère lui annonce les principes et conditions de vie dans la ville.
« Awa eza li tié te, li lié te » lui dit son frère. En gros, Jonas doit contribuer à la nourriture s’il veut manger à la maison. Au début, l’enfant n’y croit pas vraiment. Et pourtant, ce qu’il vient d’entendre est bien vrai. Il s’en aperçoit très vite.
Pour contribuer aux besoins de la maison, Jonas est donc obligé de travailler. Au moins, il a le droit de choisir une activité. Et pour lui, vendre est la meilleure option. Jonas devient vendeur ambulant d’eau fraîche. Il doit circuler dans les rues de Kinshasa pour écouler sa marchandise. Il est obligé de trouver de l’argent pour manger.
Avec son frère, rien n’est gratuit. Sur la route, Jonas est exposé à beaucoup de dangers. Il peut se faire renverser par des véhicules, se faire agresser ou même se perdre, etc. Cela ne dit rien à mon frère.
Et s’il ne fait rien, il risque de se retrouver à la rue, chassé de la maison par son frère.
Beaucoup d’enfants souffrent en silence
À 13 ans, Jonas voit son rêve d’aller à l’école s’éloigner. Je crois qu’il y a d’autres enfants dans sa situation dans la ville de Kinshasa et ailleurs. Certains enfants sont confrontés à cette réalité en République démocratique du Congo. Ces enfants sont obligés de se débrouiller pour vivre. Gagner de l’argent. Et pourtant, lorsqu’on parle de l’enfant, on en parle comme d’un être sans défense, qui doit être protégé. Et les adultes devraient pourvoir à ses besoins.
Depuis que j’ai été formé sur les droits de l’enfant, je vois les choses beaucoup plus différemment. Et je pense que la place de Jonas et celle d’autres enfants qui sont vendeurs ambulants, c’est à l’école et pas dans la rue.
Je pense aussi que les autorités congolaises devraient mettre en place des mécanismes pour sortir ces enfants de la rue et les éloigner de toute forme d’exploitation économique. Parce qu’aucun enfant ne mérite d’être exploité. Même par des membres de sa famille.
Encadreure : Choisie Nseka