Abigaël, 22ans, est une ancienne Enfant Reporter de la ville de Kinshasa. Elle est aujourd'hui étudiante en droit et continue de s'impliquer pour les droits des enfants en encadrant à son tour les Enfants Reporters.

Dans une école à Kinshasa, je rencontre une jeune fille dont l’histoire est assez surprenante. En fait, elle vient de perdre son grand-père parti d’une cause assez rare. Notre conversation démarre à cause d’une plaie qu’elle a au pied.

 

Comme les autres élèves de son école, Lovely fait partie des enfants qui auraient voulu discuter avec moi dans une école qui n’a pas des poubelles.

Lovely a 12 ans et est plutôt agitée. Perchée sur des babouches à talons compensés, cheveux défaits, elle parle à ses copines. Elle a des airs de meneuse de clique.

Finalement, elle s’approche de moi, me salue et me raconte la même chose que les autres. Elle parle de son professeur qui l’a empêché de participer.

Alicia, une autre fille que j’ai rencontrée plus tôt, se plaint aussi de n’avoir pas participé à la formation des nouveaux enfants contributeurs sur le blog Pona Bana. Mais Lovely est différente.

Peut-être parce qu’elle est moins posée ? Je ne sais pas. Mais mes yeux se posent sur ses pieds. Elle porte du vernis noir. Une couleur assez difficile à trouver sur un enfant.

Sur son pied gauche, elle a une coupure. Waouh ! Elle est grande tout de même. Je pense.

Il y a comme un bouton posé entre l’ongle et la chair. Et la coupure part de là jusqu’au dos de l’orteil. Sa plaie n’a pas l’air d’être soignée. Je sais que ça peut être dangereux à cause des infections.

Quand je lui en parle, elle me dit qu’elle se l’est faite en se faisant les ongles pour le deuil de son grand-père. Apparemment, le monsieur qui s’occupait de ses ongles a été imprudent.

 

Boisson de la mort?

« Ça fait une semaine qu’il est mort », me dit-elle avec détachement. Son attitude me surprend. Je me demande comment elle fait ? Ils n’avaient peut-être pas de bonne relation avec son grand-père ?

« De quoi est-il mort ? », je demande. « À cause d’une boisson énergisante », me répond-t-elle. Je suis encore surprise. C’est la première fois que j’apprends qu’une personne est morte ainsi. Et pourtant, je vois des gens prendre ces boissons énergisantes à Kinshasa.

Je veux mieux comprendre comment est-ce que cette boisson a causé la mort du grand-père de Lovely. Main à la hanche, l’enfant m’explique que son grand-père était hypertendu. En fait, il aurait pris cette boisson énergisante sans préalablement vérifier sa tension. Ce sont les palpitations qui l’ont conduit à la mort.

« Il est mort à quel âge ? », je demande encore.

« 67 ans. On l’a enterré le 11 avril », me répond Lovely. Avec le détachement qui me choque toujours autant.

Je dois partir. Je récupère mes affaires, dis au-revoir et m’en vais.

Dans un coin de ma tête, je garde le détachement de cet enfant de 12 ans qui avait l’air de n’avoir rien à faire du décès d’un de ses proches. Je ne comprends pas comment un enfant de cet âge a appris à se détacher très vite.

C’est assez étonnant. Mais bon, c’est comme ça.