Choisie Nseka est jeune encadreur des Enfants Reporter à Kinshasa. Elle a participé à plusieurs activités de plaidoyer en faveur de la protection, de l’éducation et de la participation des enfants. Aujourd'hui elle est parmi les jeunes encadreuses des jeunes.

« Au secours ! Seigneur ! Aidez-moi ! ». C’est le cri que j’entends. Je traverse la rivière Kalamu à Kinshasa. Lorsque je me retourne, je vois une dame qui se débat dans l’eau. Elle est emportée par le courant des eaux et elle appelle à l’aide. Dans son dos, elle a un bébé.

Les jeunes du quartier se précipitent pour sauver la dame. En fait, les cris de la dame me ramène à la réalité. Je suis, moi aussi, au milieu de la rivière. Et j’ai peur de l’eau. Je respire mal.
Je m’appelle Choisie Nseka, je suis jeune reporter de Kinshasa.

Journée pluvieuse à Kinshasa 

Le vendredi 9 mai dernier, je me suis sortie pour aller à un colloque. Il a plu le matin. Mais je dois sortir. Je pense que le quartier où je vais n’est pas inondé. Il n’a pas d’images qui circulent sur les réseaux sociaux et je décide d’y aller. Après la pluie, il y a souvent des embouteillages et le transport est difficile. Les chauffeurs doublent les prix de transport en commun et je décide de marcher à un moment.
Je descends près de la rivière Kalamu. Il faut arriver jusque sur Victoire. Je ne sais pas que cette rivière a débordé et couvre la route. La scène est incroyable. Il y a une quantité d’eau que je ne peux pas décrire. En plus, il faut faire attention aux fils électriques qui sont parfois à l’air libre. Je ne sais pas vraiment combien l’eau est profonde. Pourtant, pour passer, il faut la traverser. Des jeunes hommes sont au bord de l’eau. Ils proposent leurs services aux passants. On te porte dans le dos pour une traversée. « Impossible pour une voiture ou une moto de passer ici. Le seul moyen de passer, c’est à pied », me dit un jeune. Je sais qu’il veut me vendre ses services. « Pour 2000 francs, vous pouvez traverser sur le dos de l’un d’entre nous. Et pour 1500 francs, on vous tient la main pour que le courant ne vous emporte pas. Mais vous serez mouillée. C’est votre problème », conclut-il.

Les pieds dans l’eau

Je choisis qu’on me tienne par la main. Je refuse de monter sur le dos d’un inconnu. Une autre dame s’agrippe à moi pour traverser. Elle porte une petite fille. En fait, comme on ne leur tient pas la main, ils ne sont pas obligés de payer. Je sens le petit garçon s’agripper à ma robe.
Plus nous avançons, le niveau de l’eau monte. Le courant devient fort et violent. Je vois deux véhicules presque recouverts d’eau. Je tiens plus fermement celui qui me sert de guide et demande à la dame qui me tient de bien s’accrocher. Ma jambe reçoit un coup. C’est un morceau de bois.  J’ai mal. Un morceau de bois venait de toucher ma jambe. Je panique. J’arrête d’avancer. J’ai le vertige. Mon guide serre ma main plus fort, comme pour me garder avec lui.
En fait, j’ai peur de l’eau. En traversant la rivière Kalamu, ma tête me fait mal et c’est comme si je suis ailleurs. Je ne sais pas si vous me comprenez. Le morceau de bois m’a fait prendre conscience du fait que j’étais au milieu de l’eau, loin de la terre ferme. Pas loin, une dame et son garçon sont sur le point d’être emportés. Elle crie. Je reviens sur terre. Disons que j’ai toujours les pieds dans l’eau.
Pour sauver la dame, un garçon tente de les rattraper. Heureusement, il y arrive. L’enfant tremble de froid et de peur. Il a les yeux rouges parce qu’il a pleuré. Et il est trempé. À cet instant, j’ai compris que je devais me battre pour survivre. J’ai trouvé le courage de continuer d’avancer jusqu’à la terre ferme.

Nous sommes tous responsables 

Visiblement, à Kinshasa, après une pluie, il y a souvent des inondations. C’est fréquent. Dans beaucoup de quartiers et communes, les caniveaux sont bouchés par des sachets, des bouteilles en plastique et d’autres déchets. Et c’est la population qui jette ces déchets dans les caniveaux. Sans s’en rendre compte, chacun d’entre nous contribue à polluer la ville. Donc nous sommes en partie responsables de ce qui nous arrive.
Savez-vous combien de maladies nous risquons d’attraper juste en marchant dans les eaux des inondations qui viennent avec autant de déchets ? Et si on tombait sur un câble électrique alimenté ? Vous voyez à quoi on s’expose après les inondations.
Je pense que chacun de nous devrait prendre conscience de notre responsabilité de protéger l’environnement et de décider de ne plus détruire. Posons les actions qui peuvent nous éviter les catastrophes naturelles. Jetons nos déchets dans les poubelles et faisons le tri au lieu de jeter les déchets dans les caniveaux ou dans les rivières. Faisons en sorte que notre milieu de vie ne devienne pas dangereux pour nos vies. C’est pour notre bien. J’aimerais pouvoir circuler librement même après la pluie sans avoir peur d’être emportée par les eaux. Nous devons agir. Nous devons tous nous y mettre.