Je suis triste de savoir qu’une fille de trois ans est atteinte du Sida. Et je l’apprends le dernier jour de mon stage et je vais tout vous raconter. Je suis étudiante en médecine, dans la ville de Kananga.
Depuis le premier graduat, chaque année, un stage académique de deux semaines est organisé par la faculté pour nous permettre de concilier la théorie à la pratique.
Cette année, j’ai fait mon stage dans un centre de santé de la place. En fait, le stage était certes stressant à cause de nombreux cas qu’on recevait. Mais, je ressentais un plaisir d’être là en face des patients. J’étais heureuse de me rendre compte que peu à peu, mon rêve se réalise. Être médecin.
En fin de compte, la fin de mon stage est arrivée. Et la veille de mon dernier jour, j’étais de garde. Cette nuit-là, nous n’avons reçu aucun cas d’urgence. Mon dernier jour de stage arrive et je dois rentrer à la maison le matin pour ne plus revenir à l’hôpital. Mais, ce matin, il y avait un cas d’opération. Je décide de patienter pour assister à l’opération.
Une fille de trois ans est atteinte du Sida
Nous sommes dans la salle d’opération, lorsqu’une dame emmène sa fille de 3 ans en consultation. Un des médecins de l’hôpital présent au cabinet examine l’enfant et demande qu’on fasse quelques examens de laboratoire. Nous sommes encore dans la salle d’opération quand les résultats arrivent.
Le Docteur regarde la fiche des résultats. L’un des examens révèle que l’enfant est atteinte du VIH/SIDA…
Je ne peux pas savoir exactement ce que le docteur a ressenti. Il se pose des questions et voudrait savoir comment la fille a été contaminée. Le docteur demande qu’on examine d’abord la mère. Les résultats arrivent. La mère est saine.
Alors, comment annoncer à une mère que sa fille est séropositive ? Comment dire à une mère que sa fille de trois est condamnée à vivre avec le VIH/Sida, une maladie incurable ?
Le médecin prend son courage et use de beaucoup de diplomatie et annonce la nouvelle à la mère de l’enfant. Sous l’émotion, la maman se met à hurler et à pleurer. Personne n’a pu la retenir.
La nouvelle avec les détails nous parvient en salle d’opération. Je suis bouleversée, profondément triste. Si j’étais hypertendue, j’aurais sûrement piqué une crise. Je n’arrivais plus me tenir debout, comme si la terre s’érodait sous mes pieds.
J’ai voulu m’approcher de la dame ne serait-ce que pour la consoler. Je n’ai pas pu. Regarder l’enfant atteinte du Sida m’a juste été insupportable.
Le médecin a demandé à la maman de faire venir le père de l’enfant afin qu’on l’examine aussi. Comme la mère, le père est sain, la petite est la seule atteinte du VIH.
Le médecin essaie d’en savoir plus sur l’enfant et ses hospitalisations antérieures. La mère que l’enfant a été transfusée deux fois. Sans le dire directement à la mère, le médecin comprend que le problème vient de là. Probablement, le sang donné à l’enfant n’avait pas été testé.
Le personnel de santé a une responsabilité sur la vie des patients
Et là, à cause d’une erreur de laboratoire, une petite fille de trois ans est condamnée à vivre avec cette maladie, si seulement elle vit longtemps. Depuis que j’ai quitté l’hôpital, j’y pense. Que faire pour aider cette fille ? Je n’ai pas de réponse et je suis vraiment perturbée.
Voir des enfants souffrir, c’est toujours douloureux pour moi.
Je sais qu’en devenant médecin, je ferai face à plusieurs cas difficiles. Mais celui-ci est difficile pour moi, pour l’instant. Médicalement, l’enfant aura sûrement besoin d’un soutien psycho- social tout au long de sa vie pour arriver à accepter son état.
En tant que médecin, je réalise encore l’importance de la responsabilité des médecins pour préserver des vies. Le personnel de santé doit faire attention aux patients. La vie est sacrée. Une seule erreur d’un personnel de santé peut coûter la vie d’une personne ou rendre malheureuse toute une famille.