Je m’appelle Malu Kashala, j’ai 12 ans et je suis enfant reporter de Kamonia dans la province du Kasaï. J’habite dans le quartier Lovua.
Dans mon quartier, plusieurs familles marient de force leurs enfants avant l’âge de 18 ans. La pratique est assez courante ici. Dès que la poitrine d’une jeune fille commence à se développer, certains hommes ont les regards sur elle. Ils viennent proposer aux parents d’épouser l’enfant.
Depuis quelque temps, les parents de ma voisine de 16 ans veulent la donner de force en mariage à un monsieur. La fille s’appelle Sandrine. C’est une fille très intelligente. J’avoue aussi qu’elle est belle. En ce moment, son malheur c’est sa beauté. Comme si être une belle fille à Kamonia était un problème pour les hommes.
Je n’ai pas les moyens de t’envoyer à l’école
« Tu dois te marier parce que je n’ai pas les moyens de t’envoyer à l’école », lui a dit son père. En fait, il veut convaincre sa fille sur son projet de la donner en mariage. Mais, Sandrine aime l’école et ne veut pas de ce mariage. Avec beaucoup de courage, elle a fait comprendre à son père qu’elle n’ira pas dans un mariage parce qu’elle est encore enfant. Et c’est son droit d’être scolarisée.
Après ma formation comme enfant reporter, j’ai plusieurs fois discuté avec elle. J’ai échangé avec elle sur ce que j’ai appris par rapport aux droits de l’enfant. Et nous avons par exemple discuté de l’article 28 de la Convention relative aux droits de l’enfant qui parle du droit de l’enfant à l’éducation. Nous avons aussi parlé de l’article 48 de la loi portant protection de l’enfant qui interdit les fiançailles et le mariage des enfants.
Des articles pour résister au mariage précoce
Pour soutenir sa volonté d’aller à l’école, Sandrine a montré à son père ces articles. En fait, elle lui a fait comprendre qu’il risque d’aller en prison s’il la force à se marier avant l’âge de 18 ans. Face à cette situation, le père a menacé de chasser sa fille de la maison. « Toutes les familles de ce quartier donnent leurs filles en mariage avant 18 ans et on ne les arrête pas. Toi, tu crois que quelqu’un va m’arrêter ? » lui a crié son père.
Mais, Sandrine reste ferme sur sa position. Elle continue à montrer à son père que le mariage des enfants est contraire aux droits de l’enfant. Depuis ce jour, la fille est triste et ne mange presque plus. Il n’est pas facile de subir une telle pression de la part de ses propres parents.
Pour le moment Sadrine est arrivée à retarder ce mariage grâce à son courage et à la connaissance de ses droits. Mais ses parents continuent de vouloir la marier de force.
Je demande au Chef du quartier Lovua et au bourgmestre de Kamonia de s’impliquer pour protéger cet enfant et d’autres filles de Kamonia qui sont poussées dans le mariage avant 18 ans.
Je voudrais aussi demander aux jeunes filles qui me lisent, d’apprendre à connaître vos droits. Tant que tu ne connais pas tes droits, tu ne pourras pas les défendre et t’opposer à tous ceux qui peuvent les violer. Fille du Congo et du monde, n’aie pas peur de défendre tes droits et de te faire entendre.
J’aimerais bien qu’on puisse aussi sanctionner sévèrement les auteurs des mariages précoces d’enfants. Je pense que si 3 ou 4 personnes sont arrêtées et mises en prison, cela peut servir de leçon aux autres. Le papa de cette fille ne craint pas d’être arrêté parce qu’il voit autour de lui d’autres parents faire la même chose sans être inquiétés par la police.
(*Le prénom de l’enfant est modifié).