Ketsia Passou est une ancienne Enfant Reporter. Activiste pour le climat, elle a été nommée Jeune Ambassadrice de l'UNICEF en septembre 2021.

 Depuis plus d’un an, j’habite le quartier de Mbudi. Mon école se situe dans le quartier Mazal, dans la commune de Mont-Ngafula à Kinshasa.  J’ai remarqué qu’il y a un groupe de délinquants appelés « les orangers » qui prend plaisir à nous terroriser sur le chemin de l’école et c’est vraiment inquiétant pour notre sécurité. Je m’appelle Ketsia Passou. J’ai 16 ans et je suis enfant reporter à Kinshasa.

 

Ici, un groupe de jeunes garçons appelé communément « les orangers » terrorisent la population et surtout les élèves des écoles environnantes. Mon école en fait partie. Ils agressent les élèves, volent leurs affaires scolaires, leurs portables et arrivent même à les tabasser.

Plusieurs élèves de mon collège ainsi que moi-même avons été victimes de ces scènes traumatisantes, choquantes et parfois sanglantes qui resteront gravées longtemps dans nos mémoires.

 

« Nous nous sommes cachés dans une boutique… »

 

Je vais vous raconter une scène qui m’est arrivée. Un jour, après un match de football entre les professeurs et les élèves, j’ai décidé de rentrer avec mes collègues de classe. En sortant de l’école, nous avons vu plusieurs motos qui faisaient des tours autour du terrain. C’était une fois de plus les membres du groupe Orangers, armé de machettes. Nous nous sommes cachés dans une boutique tout près alors que les « Kuluna » blessaient grièvement les passants. Un grand traumatisme pour nous !

Manuella, une collégienne, s’est fait agresser verbalement par les Orangers, un jour alors qu’elle rentrait chez elle. « Ce jour-là, j’ai  décidé de marcher  jusqu’à la maison à pied avec d’autres filles de ma classe au lieu de prendre la moto. Sur la route, nous sommes arrivés près de la cité CPA où j’habite. Nous avons croisé un groupe de garçons assis. Nous les avons tout de suite reconnues. Il s’agissait des orangers.

 

J’ai eu tellement peur ce jour-là. Et depuis, je ne rentre plus jamais à pied de peur de me retrouver seule face à eux

 

Eux aussi nous ont reconnus. On était habillés en uniforme du collège. Ils ont commencé à nous insulter, nous dire des méchancetés telles que: prostituées, idiotes, on va vous faire du mal. De peur d’être une proie pour eux, on a commencé à courir et a fait demi-tour. J’ai eu tellement peur ce jour-là. Et depuis, je ne rentre plus jamais à pied de peur de me retrouver seule face à eux »

Charles, un autre garçon de mon école, a été agressé et a aussi vu une scène qui a marqué presque tous les collégiens. Il raconte : “un jour je rentrais à la maison et j’étais seul. En marchant, je les ai croisés et j’ai gardé mon calme. Ils se sont mis à me bousculer, nombreux qu’ils étaient et moi j’étais seul. Lorsque les passants ont vu ce qui se passait, ils sont intervenus et j’ai pu fuir. La seule raison pour laquelle ils m’ont agressé, c’est parce que je suis élève au collège Prince de la paix”.

 

On a tous le droit de vivre, d’étudier dans un environnement sain

Une cours d'école en République démocratique du Congo @ponabana

Ceci n’est qu’une partie de ce qu’ont pu vivre les élèves de mon école. Ils arrivent tous les jours à l’école avec la peur de croiser les Orangers sur le chemin du retour. Malgré les dispositions prises par l’établissement scolaire, je suis angoissée de rencontrer l’un de ces jeunes.

Je me demande, pourquoi ces jeunes ne sont-ils jamais emprisonnés alors qu’ils peuvent être identifiés ? En plus, nous les voyons toujours et malgré les mesures prises par les responsables de l’école pour les empêcher de terroriser les élèves.

On a tous le droit de vivre, d’étudier dans un environnement sain et sûr pour pouvoir être épanouis. On a tous le droit d’aller à l’école et rien ne peut s’opposer à ça. Même pas les “Kuluna”, ces groupes de jeunes délinquants à main armée.