Abigaël, 22ans, est une ancienne Enfant Reporter de la ville de Kinshasa. Elle est aujourd'hui étudiante en droit et continue de s'impliquer pour les droits des enfants en encadrant à son tour les Enfants Reporters.

Je suis Abigaël Mwabe, l’une des accompagnatrices qui ont conduit dix filles, enfants reporters, rencontrer madame Marie-Chantal Kaninda. Cette femme est parmi les rares femmes congolaises à diriger une entreprise minière.

 

Le chargé de communication de l’entreprise insiste sur le fait que chez eux, il n’y a aucune différence entre les hommes et les femmes. D’ailleurs, les femmes excellent autant que les hommes que ce soit sous terre ou dans la manipulation d’engins lourds.

Dans un magazine, j’ai vu qu’on qualifiait Marie Chantal Kaninda de « dame de fer des mines » et elle y est décrite comme l’une des femmes les plus puissantes du continent. C’est donc toute curieuse que j’entre dans son bureau lors de notre rencontre.

 

Rencontre chaleureuse

À l’intérieur, une femme vêtue d’une robe rouge à manches longues nous sourit. Elle a une coupe courte, et les cheveux gris et noirs. Elle se tient juste derrière son bureau.

Dès qu’on la voit, on sait que c’est la cheffe. Elle a l’air imposante. Pourtant, elle reste souriante et simple.

Sept autres femmes se trouvent dans la salle. Elles sont toutes employées. Parmi elles, une juridique, des membres de l’administration, une chargée des ressources humaines, une chargée des logements et visas des expatriés de la société, et une ingénieure civile.

Derrière sa table, madame Marie-Chantal Kaninda Muelu, conduit l’échange sourire, aux lèvres.

Pour mettre à l’aise les enfants, elle propose que chacune à son tour puisse s’asseoir sur son siège pour parler de ses rêves. À ce moment-là, on peut lire de l’excitation et de la joie dans les yeux de chacune des filles. Elles ont cette envie de devenir « quelqu’un » un jour, même si certaines hésitent encore.

La parole est passée à chacune. Les jeunes filles se présentent à tour de rôle et elles parlent de leurs rêves. Et même si certaines filles sont timides, l’atmosphère reste conviviale et laisse plus de place aux échanges.

 

Marie Chantal Kaninda et les jeunes enfants de l’UNICEF (@ponabana)

 

Je n’ai pas réalisé mon rêve

Quand elle nous parle de son parcours, madame Marie-Chantal Kaninda insiste sur le fait qu’elle voulait devenir banquière.
Grâce à son père qui était diplomate, elle a dû grandir un peu partout et a pu parler plusieurs langues avant de revenir dans son pays d’origine.
Diplômée de l’université de Liège en Belgique, la jeune Marie-Chantal de l’époque ne pouvait s’empêcher de penser aux banques.

A son arrivée au pays, elle décide de déposer sa candidature dans une banque comme elle en rêvait.
« Je suis allée à l’interview qui s’est bien passée, jusqu’à ce qu’on me demande le salaire que je voulais percevoir. J’ai répondu que je voulais assez pour pouvoir m’habiller tous les jours, me loger toute l’année, me déplacer chaque jour, et me nourrir. On m’a répondu que je n’aurais pas le poste parce que j’étais trop exigeante », confie-t-elle.

Elle a donc dû passer à autre chose. Contrairement à ce qu’elle espérait, elle débute finalement sa carrière par le poste de coordinatrice dans un centre de langues et d’informatique.
Quelques années après, elle s’est proposée pour un poste à l’administration d’une société minière. Son seul problème? Le manque d’expérience.
« On m’a dit que je ne pouvais pas passer de test parce que je n’avais pas d’expérience professionnelle. J’ai répondu: mais si partout où je vais, on me demande une expérience, où est-ce que je l’aurai si on ne me donne pas ma chance? Et c’est comme ça qu’on m’a laissé passer le test que j’ai réussi brillamment notamment parce que contrairement à plusieurs candidats à cette époque, je savais me servir d’un ordinateur », se souvient-elle.

Depuis cet emploi, elle affirme ne plus en avoir cherché un travail.
Aujourd’hui, elle est non seulement l’une des rares femmes à évoluer dans un milieu considéré comme masculin, mais aussi la première femme présidente d’une grande société minière. Bien plus, elle est aussi membre du conseil d’administration de la banque qui avait refusé de l’embaucher.

«…Rester simple et soi-même »

Sur sa table, quatre trophées sont alignés et retiennent mon attention. WEPs Awards, 50 femmes qui inspirent et deux autres que je n’ai pas pu regarder.
Ma question, comment devient-on madame Marie-Chantal Kaninda avec tous ces titres et ces trophées.
« En restant simple et soi-même », me répond-elle, en prenant ses collègues à témoin.

En fait, malgré tout le pouvoir qu’elle a, Marie-Chantal Kaninda arrive à garder les pieds sur terre.
Si pour certaines le pouvoir peut être synonyme de déraison, pour cette mère de famille, réussir à rester soi-même et s’occuper de sa famille est important. Elle nous trace le tableau d’une mère présente et d’une femme aimante, qui reste tout de même à la tête d’une grande société où sa réputation, ses capacités et sa rigueur lui confèrent une certaine autorité.
Madame Marie-Chantal Kaninda? C’était un honneur de vous voir. Parce que je pense que vous êtes un peu le rêve que certaines files refusent de s’accorder, et un bel exemple d’affirmation et de réussite.
Merci.