Abigaël, 22ans, est une ancienne Enfant Reporter de la ville de Kinshasa. Elle est aujourd'hui étudiante en droit et continue de s'impliquer pour les droits des enfants en encadrant à son tour les Enfants Reporters.

« Nous sommes tous des Hommes », me dit Nenette. Elle est parmi les femmes chauffeures à l’UNICEF. Et quand elle travaille avec ses collègues hommes, elle ne fait aucune différence entre elle et les hommes. Parmi les 16 chauffeurs de l’UNICEF, il n’y a que 3 femmes. Et c’est l’histoire de Nenette, une des femmes chauffeures à l’UNICEF que je vous raconte.

 

De déléguée commerciale au volant des voitures

En fait, avant de prendre le volant, Nenette a d’abord travaillé comme déléguée commerciale dans une grande société internationale à Kinshasa. Et cette mère de trois enfants devait aussi savoir conduire pour mieux faire le tour de la ville et accomplir ses tâches journalières. Malgré le fait qu’elle passe toutes ses journées au volant, dans sa tête, elle est plus déléguée commerciale que chauffeure.

Après la fermeture de la société de ses anciens employeurs, elle a passé 7 mois au chômage jusqu’à trouver un autre emploi.

« Je cherchais un emploi sur Media Congo. Sur le site, je ne voyais que des offres pour le poste de chauffeur.  Je me suis dit, mais en plus d’être déléguée commerciale, j’ai un autre métier, je sais conduire. C’est comme ça que j’ai postulé à l’offre d’un organisme international », se souvient-elle.

 

S’en sortir dans un milieu d’hommes

Le jour de l’interview, même si elle arrive à faire ses preuves, elle constate qu’on ne croit pas en elle. C’est la seule femme parmi les 10 hommes qui occupent le même poste. Elle doit s’imposer et mériter le respect. Malgré les difficultés dans ce milieu qui ne lui facilite pas la tâche, elle reste deux ans dans cet organisme avant de penser à changer d’emploi.

En 2021 elle prend un nouveau poste. Quand elle arrive à l’UNICEF, Nenette capitalise sur son expérience passée et ne fait aucune différence entre ses collègues hommes et elle. Elle le leur dit d’entrée de jeu.

« Je ne mets pas dans ma tête que je suis une femme. Pour moi, on est collègue. Parfois, quand j’arrive au bureau, je le leur dis en blaguant : Il n’y a pas d’hommes ou de femmes ici. On est tous collègues », rigole-t-elle. Elle est mieux reçue dans son nouveau poste. Pourtant à son arrivée, elle a un peu d’appréhension. Elle n’a jamais conduit en dehors de la ville de Kinshasa.

Quelques instants avant de prendre la route (@ponabana)

 

« Au début, j’avais un peu peur de conduire sur des routes non asphaltées. J’étais habituée à conduire en ville où les routes sont praticables, et les distances moins longues. Mais petit à petit, j’ai fini par apprendre à me débrouiller et je peux maintenant conduire dans des milieux différents peu importe l’état de la route », rassure-t-elle.

 

Être une femme chauffeure n’est pas facile

« Quand je suis sur la route, au volant, on me regarde beaucoup. Surtout si j’ai un homme comme passager. Certains collègues me le font remarquer. Pour détendre l’atmosphère, je réponds en disant qu’ils se demandent comment un homme peut se laisser conduire par une femme », sourit-elle.

Elle s’est habituée au regard d’une société qui a du mal à accepter les femmes dans certains métiers. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que pour Nenette, elle ne fait pas de différence entre elle et ses collègues hommes. Ce qui importe c’est de bien faire son travail.

Depuis 12 ans de travail à temps plein maintenant, Nenette tient à marquer un point d’honneur à s’occuper de ses enfants. « Je me lève tôt le matin, et commence par préparer les casse-croûtes avant de réveiller les enfants pour notre câlin du matin. Je m’assure toujours qu’ils soient sorti avant de quitter la maison », confie-t-elle.

Pendant ses heures de service, elle s’arrange pour tout gérer à distance quand elle a un temps libre. Je la vois faire.

« Allô, oui, ils arrivent déjà… Ok ». Elle raccroche et passe un autre appel. « Allô, tu rentres avec eux tous ? Ok ». Elle en passe un troisième : «Allô, oui, ils reviennent tous.. ». Je comprends par le ton de ses échanges qu’elle gère le mouvement de ses enfants.

 

Nenette et Abigaël en plein échange sur son travail (@ponabana)

 

Super héroïne pour ses enfants

En fait, elle planifie le déplacement de ses enfants un mardi après-midi. Il faut les ramener à la maison après l’école. Nenette a l’habitude de tout coordonner à distance ou quand elle est présente à la maison. « Des fois, je m’amuse à demander à mes collègues combien d’appels ils reçoivent par jours. Je leur fais remarquer que j’en reçois beaucoup plus. Uniquement de la maison. Et j’en reçois beaucoup», indique-t-elle.

Pour Nenette, une journée normale, c’est jongler entre son téléphone et son travail.

Et pour ses enfants, c’est un genre de super héroïne. Elle leur explique qu’elle travail pour aider les enfants.

« Pour un devoir à l’école, ma fille m’a demandé quel était mon métier et en quoi il consistait. Ils devaient parler du travail de leurs mères. Je lui ai répondu que j’étais chauffeur à l’UNICEF. Curieuse, elle m’a demandé comment j’aidais les enfants, parce que plus tôt, je lui avais raconté que l’UNICEF travaille pour aider les enfants. Je lui ai alors expliqué que c’est en conduisant mes collègues à des réunions et dans certains coins du pays que je contribue à aider les enfants».

Être chauffeure n’est pas un travail facile, admet-elle. On peut parfois manquer de temps. La veille de cette rencontre, il a fallu attendre toute une journée pour lui parler. Et n’a malheureusement pas pu se libérer pour notre entretien. Pourtant, de l’endroit où elle se trouvait, toutes les 30 minutes elle promettait se libérer.

Nenette reste enthousiaste et aime son travail. Elle prend ses défis avec sourire et arrive à les relever.

Son parcours lui a appris qu’elle pouvait tout faire. Pour elle le mot «Impossible » n’existe pas. Ce qu’elle entend, c’est « I’m possible». Et d’après elle, « Il n’y a pas de métier qu’un homme puisse faire, qu’une femme serait incapable de faire. Parce que, nous sommes tous Hommes », affirme -t-elle.