Joël Wells est enfant reporter de la ville de Bunia, province de l'Ituri.

Je ne m’en souviens pas vraiment, mais mes parents m’ont toujours dit que le deuxième mot que j’ai réussi à prononcer après « maman » était « masasi ». Ce qui se traduit par « les balles », en français. Les balles qui proviennent des armes à feu. J’ai prononcé ce mot, je pense, parce qu’il y avait tellement des coups de feu dans ma ville.

Je m’appelle Joël Well. Je suis enfant reporter depuis 2018. J’ai 17 ans.

En 2002, une année après ma naissance, ma famille et moi avons vécu la guerre à Bunia, dans la province de l’Ituri. Les atrocités des années 2000 m’ont toujours affecté négativement. J’ai vu certains membres de ma famille élargie succomber aux affres de la guerre.  C’était affreux de vivre dans un environnement de crépitement des balles.

 

J’ai peur d’entendre le mot insécurité 

 

Aujourd’hui encore, depuis 2017 d’ailleurs, le mot « insécurité » est devenu mot courant en Ituri. Les réseaux sociaux et les journaux ne cessent d’en parler. Et pour certaines personnes, l’insécurité est devenue quelque chose de normal. Nous vivons avec l’insécurité au quotidien.

Malheureusement pour moi, ce n’est pas le cas. J’ai peur. J’ai peur de revivre des événements horribles.

 

J’ai peur de me coucher et de me réveiller au cimetière le lendemain, pleurant mes proches.

J’ai peur d’avoir sommeil de peur de ne plus jamais revoir le soleil. 

Comme beaucoup d’enfants d’ici, je suis née dans la guerre, je vis dans la guerre et j’ai peur de mourir dans la guerre.

La paix est le précieux cadeau que l’humanité pourrait léguer à ses filles et fils.

 

Très souvent, je me demande où est passée l’humanité de l’humain. L’être qui sacrifie tout. Prêt à tuer son semblable pour de l’argent ou pour une position sociale. C’est sérieux ! Ici, en me couchant, je pense à toutes les personnes qui risquent de perdre leur vie cette nuit. Je pense à toutes ces cases qui risquent d’être incendiées. Je pense aux milliers d’enfants qui devront s’appeler désormais « orphelins ». Je pense aux paisibles familles désormais déplacées et misérables.

 

Construisons la paix

 

Cher gouvernement, partenaires humanitaires, communauté internationale et groupes armés : le nombre de villages brûlés à ce jour ne suffisentils pas pour dire « c’est assez ! » et que l’on en finisse ?

L’insécurité ne faiblit pas à Bunia en dépit de l’état de siège en cours depuis mai dernier. Trois personnes ont été tuées par balles par des inconnus armés dans la nuit de mardi au quartier Hoho. Et nous, on vit avec cette situation au quotidien.

Comme le disait le célèbre musicien Michael Jackson : « we should make the earth a better place for you and for me » en français, nous devrions faire de la terre un meilleur endroit pour toi et moi. Pour nous, nos filles et fils, nos petits-enfants, qu’ils vivent et survivent ! La paix se construit aujourd’hui. Construisons-la.

 

Encadreur : Délice Wamusonia