Mulumuna Meda a 17 ans. Elle est enfant reporter dans la ville de Bukavu, province du Sud-Kivu.

Je m’appelle Mulumuna Meda. Je suis enfant reporter de la ville de Bukavu et étudie au complexe scolaire Groupe le Vert en 5 ème année. J’ai 17ans. Le mardi 30 novembre 2021 dernier, plus d’une centaine d’enfants de la ville de Bukavu sont descendus dans la rue. Ils disent être fatigués des vacances qui n’en finissent pas. Depuis plusieurs mois, les enfants des écoles primaires publiques de la République Démocratique du Congo n’étudient pas et sont à la maison. Alors que la nouvelle année scolaire a déjà commencé. 

 

Les enseignants sont en grève et réclament à l’Etat de meilleures conditions de vie et de travail.  Dans les écoles privées, les élèves étudient normalement pendant que ceux des écoles privées n’étudient pas. En effet, cette situation dure depuis plus de deux mois déjà. 

Et les enfants des écoles publiques dans la ville de Bukavu passent des journées entières dans les rues. “Nous voulons la réouverture de l’année scolaire. Nous sommes déjà en retard. Sommes-nous une génération sacrifiée”, m’a demandé un élève qui manifestait. 

 

 

Des chansons tristes pendant la marche 

 

Pendant leur marche, les enfants du Complexe Scolaire Elo Nyamugo étaient aussi décidés à revendiquer leur droit le plus inaliénable, le droit à l’éducation. En route vers le gouvernorat de la province, ils n’ont pas réussi à trouver le gouverneur pour déposer leur mémo. Les enfants chantaient des chansons tristes pour attirer l’attention de la population sur leur condition. 

 

Ce n’est pas la première fois que les enfants de la ville de Bukavu manifestent pour réclamer la reprise des cours. Il y a un mois et demi de cela, un autre groupe d’enfants venus des différentes écoles primaires publiques de la ville étaient dans la rue.

Manifestations des enfants à Bukavu

Les enfants manifestent pour reprendre les cours à Bukavu (@ponabana)

 

Depuis tout ce temps, le gouvernement provincial n’a pas encore donné une réponse favorable aux revendications de ces enfants. 

En même temps, la question qu’on se pose est de savoir, quel sera l’avenir de ces enfants? Ils sont à la maison pendant ceux des écoles privées étudient. Ceux qui sont à la maison prennent du retard sur leur formation et leur éducation. 

 

Les écoles privées en avance

 

Dans les écoles privées, ils ont déjà proclamé les résultats de la première période depuis la semaine passée. Un enfant manifestant nous a confié qu’ils sont exposés à plusieurs dangers dans la communauté. Certains sont devenus des vagabonds et perdent inutilement leur temps.

D’autres enfants deviennent des commerçants ambulants. Il y a aussi des enfants qui sont exploités économiquement par leurs propres parents parce que seulement ils ne savent pas comment occuper leurs enfants. 

Il y a quelques jours, j’ai rencontré un petit groupe d’enfants. Ils étaient sales et pieds nus 

 

Ils jouaient sur le trottoir comme s’ils étaient dans une salle de jeux. J’ai eu peur et je leur ai demandé de rentrer à la maison. Mais, ils ne m’ont pas écouté. Ils sont restés là en train de jouer. Les voyants jouer dans la rue comme ça, je ne pensais qu’aux risques d’accidents auxquels ils étaient exposés en restant dans la rue toute la journée.

Malgré la grève des enseignants, ce qui m’étonne est que jusqu’à présent, certains enseignants n’ont toujours pas mis leurs pieds à l’école. 

 

Ma petite sœur fait la 6e année primaire à l’EP Majirane. Elle m’a dit que leur enseignant n’est toujours pas arrivé à l’école depuis lundi. Elle demande déjà aux parents qu’on puisse l’inscrire dans une école privée. Trop tard. Les écoles privées sont en avance de plus de deux mois.

La journée du 1er décembre était tellement mouvementée que certains enseignants ont aussi manifesté pour exiger au gouvernement national de le remettre dans leur droit.

Cela montre directement combien ces enseignants passent un mauvais moment dans leurs vies. Je peux les comprendre, parce que plusieurs parmi ces enseignants sont des parents et ont aussi des obligations familiales.

Manifestations à Bukavu

Reprendre les cours dans les écoles publiques à Bukavu (@ponabana)

La gratuité n’est pas une mauvaise idée

 

Selon moi, la gratuité de l’enseignement serait à la base de la déstabilisation du système éducatif de mon pays. Les premières victimes sont les enfants qui sont encore à l’école primaire publique. La gratuité de l’école primaire est censée être un système favorisant l’augmentation du taux de scolarité en RDC. Et pourtant, cela est devenu un sujet de mépris pour les élèves, les parents ainsi que les enseignants à cause d’une mauvaise organisation. 

La gratuité devient de plus en plus une mauvaise idée à cause des grèves répétitives qui agacent tout le monde. En soi, la gratuité n’est pas une mauvaise idée. La décision du Chef de l’État d’adopter ce système était fondée sur des bonnes intentions. 

Mais malheureusement, cette décision était un peu précipitée et n’a pas tenu compte des difficultés auxquelles les enseignants étaient déjà confrontés.

 

À la fin tous les élèves se demandent si la gratuité est une bonne chose

 

Avant l’entrée de la gratuité, les études se déroulaient normalement. À mon avis, je pense que les élèves devraient continuer de payer temporairement les frais en attendant que le système se mette correctement en place. 

Mais aussi, je pense que le gouvernement doit écouter les réclamations des enseignants pour ne pas sacrifier la formation de toute une génération.