Pona Bana, qui signifie « pour les enfants » en lingala, est le blog des jeunes en République Démocratique du Congo. Lieu d’échange et d’information, Pona Bana est également un instrument pour encourager la participation des enfants.

Je suis Emmanuel, enfant reporter de Kinshasa et j’ai 15 ans. Dans mon école, quand on arrive en retard, on doit faire la « marche canard » sur une distance que les autorités décident contre les retardataires. C’est la punition préférée.

 

En fait, l’idée de la punition est que l’élève retardataire puisse marcher accroupi avec les mains sur la hanche. Les plus malchanceux, font le tour de l’école dans cette position. Après cela, on a mal au dos, aux cuisses et aux pieds. C’est vraiment douloureux.

L’année passée, mon amie Sarah a connu un accident de circulation. Elle s’est fracturé les jambes. Elle venait aux cours avec son plâtre. Lorsqu’on a enlevé le plâtre, elle devait suivre des séances de kiné.
Un jour, elle est arrivée en retard à l’école. Et donc, elle devait passer par la punition comme d’autres élèves. Comme elle avait encore mal à ses jambes, elle a préféré parler avec directeur de discipline. Elle lui a dit que ce serait difficile pour elle de faire la punition de la « marche canard ». En plus de ses problèmes de santé, elle avait aussi ses règles. C’est pour cela que Sarah disait qu’elle ne pouvait pas faire cette punition.

Le directeur de discipline a refusé la proposition de Sarah. Il lui a proposé deux choses. « Tu as le choix entre faire la marche canard et rentrer à la maison. Il n’y aura pas d’autres solutions », a répondu le directeur.

Choisir entre la punition et rentrer à la maison

 

Sarah ne veut pas prendre le risque de rentrer à la maison. Elle n’a pas d’autres choix. Elle doit passer par la punition. Ma collègue s’exécute. Elle se met accroupie et commence la marche canard. Pendant qu’elle fait son tour de la cour, nous remarquons que Sarah perd du sang. Elle continue d’avancer.

Sa punition finie, elle va aux toilettes pour se nettoyer et changer de serviette hygiénique. Elle se plaint aussi des maux de ventre.

Le jour suivant, mon amie est absente de l’école. Nous apprenons qu’elle ne se sent pas bien depuis sa punition de la veille. Elle nous a prévenu qu’elle ne se sentait plus bien, depuis la punition de la veille.

Nous lui souhaitons un bon rétablissement. Elle manque les interrogations générales et n’a pas le temps de faire le rattrapage.

Et nous apprenons qu’elle est morte. Selon ses parents, mon amie est morte à cause de ses problèmes de santé. Pendant la punition, ses os se sont encore fracturés et se sont infectés. Et c’est cela qui a conduit à sa mort.

 

Rien n’est fait pour punir le responsable 

 

Tout le monde à l’école a pensé à la menace du directeur de discipline contre Sarah. Mais, personne n’a eu le courage de dire la vérité à sa famille. Je suis allé à l’école deux jours après, et tout ce que j’ai dit ne pouvait pas ramener mon amie à la vie. Et mon intervention n’avait plus d’impact. Le directeur de discipline ne se souciait même pas de ce qu’il avait fait. Et moi, je me sentais coupable de n’avoir rien fait. D’autre part, ma scolarité était en danger. Si je dévoile la vérité, je risque d’être renvoyé de l’école.

Pour moi, punir les apprenants, n’est pas mauvais. C’est un mécanisme mis en place pour redresser les élèves et contribuer à leur éducation. Mais parfois, il faudrait s’assurer que la punition choisie ne puisse pas causer des dommages sur l’enfant.

Je pense aussi que l’état, à travers son ministère de l’EPST doit y veiller et mettre en place des solutions pour en finir avec les punitions qui rendent les enfants malades et promouvoir la scolarité des enfants.

Normalement, le monsieur devait être en prison, parce que non seulement il a mis fin au parcours scolaire de cette fille, il lui a aussi ôté la vie. Mais ça, personne ne s’en soucie.