Jemimah, 16 ans, est une Enfant Reporter de la ville de Goma au Nord-Kivu.

J’ai eu une discussion avec mon ami Martin. Nous avons échangé sur la polygamie et le divorce. Récemment, il m’a raconté comment ces deux situations arrivent à piétiner les droits des enfants. Lui, il n’en est pas victime. Mais moi, si. Je m’appelle Jemima, je suis enfant reporter à Goma.

 

Entre sentiment d’abandon et incertitudes pour l’avenir qui s’entremêlent, je me demande tout de même ce que le gouvernement peut faire pour les enfants qui traversent des moments difficiles après le divorce des parents ?

Moi : salut Martin. J’aimerais échanger avec toi sur la polygamie. Beaucoup d’enfants souffrent de cette situation, comme moi d’ailleurs.

Martin : tu sais, je suis si content parce que moi aussi j’aimerais te parler de ce sujet. Je me rends compte que certains enfants qui vivent la polygamie de l’un des parents s’ennuient beaucoup.

Moi : depuis que j’ai 9 ans, mes parents ont divorcé. Je viens d’une famille où la polygamie est permise. Après leur divorce, mon père pouvait bien nous gérer avec sa deuxième femme. Mais, plus je grandi, plus il est absent. Cela fait 2 ans qu’il ne paie même plus ma scolarité, par exemple. On dirait qu’après le divorce, nous les enfants de la première femme, cessons d’exister. C’est ça le plus dur. On croirait que lorsque les parents ne sont plus ensemble, les enfants n’existent plus. On considère uniquement les enfants dont la maman est présente dans le mariage. Pourtant, je suis la fille ainée.
Pour mon père, je n’existe plus. C’est comme ça. Ma mère est obligée de se couper en mille morceaux pour subvenir à mes besoins. 

 

Deux jeunes de Goma discutent sur le divorce et la polygamie, GOMA 2021 (@ponabana)

Deux jeunes de Goma discutent sur le divorce et la polygamie, GOMA 2021 (@ponabana)

 

 

Divorcer : quand le père refait sa vie, souvent, tout se complique

 

Martin : personnellement, je n’ai jamais vécu cette l’histoire. Mais ça me touche énormément. J’ai une fois assisté un ami qui vivait presque le même problème. Cela m’a fait de la peine et je me suis rendu compte que ce n’est pas facile de vivre ça. Un autre de mes amis n’étudie même plus depuis la mort de sa mère parce que sa marâtre ne le considère pas comme un enfant. Il n’est pas une priorité. Pour ce qui est de la polygamie, j’aimerais juste dire aux parents que s’ils sont en mesure de gérer deux femmes et leurs enfants, sans discrimination, alors ils peuvent s’engager. Mais dans le cas contraire, il serait mieux de s’abstenir d’être polygame.

Deux jeunes de Goma discutent sur le divorce et la polygamie, GOMA 2021 (@ponabana)

Deux jeunes de Goma discutent sur le divorce et la polygamie, GOMA 2021 (@ponabana)

 

Moi : pour nous qui avons des parents divorcés et dont le père ne nous considère plus, que devons-nous faire ?

Martin : je pense que l’État devrait créer une caisse pour des enfants. Alors, les parents devront mettre une somme d’argent dedans pour permettre aux enfants de survivre et surtout d’étudier en cas de divorce. L’argent sera comme une épargne pour aider les enfants en cas aussi de mésentente entre les parents.

Après cette conversation avec mon ami Martin, je me suis rassurée. Je pense qu’il y a encore de l’espoir pour les enfants qui se trouvent dans la même situation que moi. Je recommande aux parents, au-delà d’être polygame ou divorcé: les enfants doivent nécessairement jouir de leurs droits, de façon équitable.

 

C’est bouleversant de perdre un parent

 

Le divorce, c’est déjà difficile à vivre pour les enfants. Je n’ose imaginer la situation des orphelins. Dans la ville voisine de Goma où j’habite, après la dernière épidémie du virus Ebola, au moins 155 enfants sont restés sans parents ni personne pour s’occuper d’eux, selon ce que j’avais lu sur le site de l’UNICEF.

 

Encadreur : Jospin Benekiré