Gaëlla Kalanga, 14 ans, enfant reporter à Kananga

Tout le monde semble avoir oublié l’histoire des vidéos des enfants filmés en pleins ébats sexuels à Kananga, au centre de la République démocratique du Congo. Moi je n’arrive pas à oublier. Je m’appelle Gaëlla Kalanga, enfant reporter de la ville de Kananga. J’ai 14 ans.

 

Cyberharcèlement, « revenge porn », chantage à la webcam, c’est un vrai problème de nos jours. Quelques semaines avant les fêtes de Noël et de Nouvel An, des vidéos et photos communément appelées sextape ont circulé pendant des jours sur les réseaux sociaux à Kananga, dans la province du Kasaï Central. Il y avait des enfants sur la vidéo. Quelle horreur.

 

Personne n’a mis l’accent sur les enfants

 

En fait, il y a des choses qui peuvent être facilement oubliées et effacées de la mémoire. Mais certaines restent ancrées en nous. Quand ces images ont circulé, étant enfant et défenseur des droits de l’enfant, je ne peux rester silencieuse quand je vois des enfants de mon âge être exposés sexuellement et utiliser comme acteurs pour ce genre de vidéos.

Sur les images, on voyait clairement des jeunes filles et garçons exposer leur nudité. Pire encore, en plein acte sexuel. À Kananga, plusieurs personnes en ont parlé, plusieurs organisations de la place se sont aussi indignées. Mais, je n’ai entendu personne placer un accent sur les enfants impliqués dans cette bêtise. J’ai été choquée de constater que ces enfants ont à peu près mon âge, l’une de ces filles étudie dans mon école. Cela a été un choc énorme pour moi. Je me demande, qui a bien pu faire ça ?

 

La honte à l’école et en famille

 

Pendant les jours qui ont suivi la publication de la vidéo, cette fille de mon école a séché les cours pendant un certain temps, puisque ça s’est passé juste avant les vacances. Elle avait honte et sa famille aussi. Elle se sent très stigmatisée parce que les filles de sa classe ne veulent plus être amies avec elle. Mais, personne n’a pensé que cette situation peut détruire la vie et l’avenir de cet enfant.

 

Des comptes anonymes favorisent du chantage 

 

Je me suis renseigné à ce sujet, et selon certaines sources, il y a certains comptes anonymes sur les réseaux sociaux qui publient encore ces vidéos quotidiennement. Visiblement, ils prennent plaisir à partager ces images avec tout le monde. Il y a plusieurs versions concernant l’origine de ces vidéos. Mais la version qui revient le plus est celle selon laquelle des filles, principalement, auraient envoyé ces vidéos à leurs copains plus âgés. Et ensuite, ces copains à leur ont posé certaines conditions que les filles n’ont pas respectées. Cela a poussé les garçons à poster ces vidéos sur les réseaux sociaux. C’est comme une espèce de chantage ou de vengeance.

Personnellement, je ne connais pas la véritable version. Mais, je suis déçue que ces personnes n’aient pas eu le bon sens de protéger les enfants. Ces vidéos et photos pornographiques sont envoyées même aux enfants, sans oublier que certains enfants sont acteurs. J’ai demandé aux organisations de protection des enfants de Kananga ce qu’elles peuvent faire pour que les auteurs de ces vidéos soient poursuivis. Le coordonnateur de l’ONG « Enfant, avenir» m’a dit qu’il compte porter plainte contre les auteurs des vidéos et ceux qui les diffusent.

 

Protéger les enfants avant tout

 

J’avoue que ces vidéos et photos ont détruit l’image de beaucoup de jeunes filles. Je ne sais pas si la fille de mon école pourra encore étudier normalement sans se sentir stigmatisée. Parmi ces enfants, certains n’osent plus aller à l’école par peur du regard des autres. D’autres ne sont plus en bon terme avec leurs familles respectives à cause de l’humiliation.

Ces filles ont perdu leur dignité et personne ne veut les approcher. Moi je pense que ces enfants sont des victimes. Ce ne sont que des enfants manipulés par les adultes et ces enfants méritent qu’on les traite avec plus de compréhension et de compassion pour ne pas les perdre sur le chemin de l’école.

Les enfants méritent d’être protégés et non exposés.