Abigaël, 22ans, est une ancienne Enfant Reporter de la ville de Kinshasa. Elle est aujourd'hui étudiante en droit et continue de s'impliquer pour les droits des enfants en encadrant à son tour les Enfants Reporters.

« Moi-même, ex-enfant de la rue, je ne vous raconte pas ce que j’ai vécu.  Si je suis ici, devant vous aujourd’hui, c’est parce qu’il y a des gens qui ont crû en moi. Des gens qui m’ont donné une chance », a dit le Coordinateur du Conseil national de l’enfant.

 

Il a fait cette déclaration lors du lancement ce mardi 6 juin à Kinshasa du Cadre de Coordination conjointe de toutes les parties prenantes dans le domaine de la Promotion et Protection des droits de l’Enfant.

En fait, lorsque le Coordinateur du Conseil national de l’enfant sort cette phrase dans son discours de remerciement, je suis un peu perdu. Je ne trouve pas de logique entre ce qu’il vient dire et l’évènement qui réunit les enfants.

Moi, à la base, je suis intéressée par les questions des enfants et surtout des enfants de la rue. C’est histoire d’amour en gros.

Déjà, je suis contre le fait qu’on définisse l’avenir de ces enfants par leur situation actuelle : la rue. Et je pense qu’on pourrait plus leur tendre la perche pour qu’ils en sortent.

Bref, cette simple phrase du Coordinateur m’a ramené des mois en arrière. Vers ce petit garçon que j’ai rencontré en pleine nuit, près d’un mur, dans la rue, non loin de chez moi. L’enfant est à peine vêtu. Il avait un t-shirt délabré et un short bleu qui crie à la mort de l’emporter.

La couleur ? Ça s’apparente à du blanc. Mais même ça, c’était difficile à remarquer. Il n’avait pas de chaussures.

« Est-ce que je peux avoir un bout de pain » a-t-il dit, en lingala, bien sûr.

« Je ne veux pas de votre argent, je veux manger », précise-t-il. Parce que souvent, lorsqu’on rencontre un enfant de la rue, certaines personnes ont tendance à croire qu’ils ont besoin d’argent. Ce petit garçon, dont j’ignore même le nom, se donne la peine de préciser son besoin.

En fait, il vit là. Près d’un caniveau, non loin d’un hôpital. Dans la rue, tout simplement.

Disons que le Cadre de Coordination conjointe de toutes les parties prenantes dans le domaine de la Promotion et Protection des droits de l’Enfant devrait avoir un penchant précis pour ces enfants, dont la rue est le milieu de vie. Le Coordinateur du Conseil national de l’enfant a dit avoir eu la chance de s’en sortir parce que quelqu’un lui a tendu la main. Il en sera de même pour d’autres enfants qui sont présentement dans la rue ? Je l’espère.

On ne se rend pas compte qu’une partie de l’avenir du Congo, s’allonge à même le sol, dort à la belle étoile, sans aucune instruction.  On passe outre le fait que cette partie de l’avenir du Congo prend de l’ampleur de manière effrayante. Il y a de plus en plus beaucoup d’enfants dans les rues. Et pas seulement dans les rues de Kinshasa. Dans des villes comme Bunia, le phénomène prend de l’ampleur. A Goma, ils sont nombreux. Lubumbashi n’est pas en marge.

Mais lors du lancement du Cadre de Coordination conjointe de toutes les parties prenantes dans le domaine de la Promotion et Protection des droits de l’Enfant, ces enfants ne sont même pas mentionnés. On ne pense pas forcément à eux quand on parle des enfants. Pour eux, il faut ajouter un qualificatif : « de la rue ».

« Une bande d’inutiles », « des voyous », « des petits sorciers », tous les qualificatifs sont bons pour les désigner. On ne se rend même pas compte de la stigmatisation des qualificatifs qu’on leur colle à la peau.

Mais est-ce que vous savez que ce sont les circonstances qui les ont forgées ? Vous rendez-vous compte que pendant que d’autres enfants sont protégés par leurs parents, ceux qui sont dans la rue sont livrés à eux-mêmes. Ils portent seuls le poids de la vie, de leur avenir et de leur destin.

Êtes-vous sûr de voir la vie de la même manière qu’ils la voient ? Je me pose la question, mais, je ne pense pas qu’on a la même perception de la vie.

Je vais me répéter : qu’on leur donne aussi une chance. Si non, nous allons encore continuer à dire que le Congo va mal. Mais, lorsqu’on laisse un pan de ces enfants à l’abandon, demain, ils seront un problème sérieux pour le pays. Pour bâtir un pays plus beau qu’avant, c’est aussi avec ces enfants qu’il faut le faire. Avec les enfants de la rue d’aujourd’hui.

L’alinéa 1 de l’article 19 de la Convention relative aux droits stipule que : «Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié ».